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Le voyage migratoire à travers des cartes mentales : une enquête auprès des Centraméricains au Mexique 

Résumé

Étudier un voyage migratoire sans en faire partie oblige à travailler à partir de représentations, le plus souvent narratives et obtenues lors d’entretiens. Dans cette enquête, l’étude des voyages des migrants centraméricains s’est basée sur des cartes mentales, élaborées et narrées par eux. Nous allons analyser les différentes fonctions de ces représentations cartographiques dans la recherche. Techniques d’enquête au départ, elles se sont converties en des résultats riches en informations inattendues, constituant même de possibles instruments de sensibilisation et de plaidoyer face à l’hostilité des politiques migratoires et remettant en question certaines représentations cartographiques des migrations. Elles sont le fil rouge de la recherche, le squelette autour duquel les histoires se racontent, la diversité et la complexité du voyage ressortent, des parallèles et des divergences se visibilisent. Une méthode que l’on pourrait qualifier de « souple », car elle s’adapte au récit de la personne et à son désir de représenter ou de ne pas représenter, montrant ainsi des voyages individuels qui s’inscrivent dans un contexte global de politiques migratoires restrictives.

Mots clés : Représentations ; Cartes mentales ; Voyage migratoire ; Politiques migratoires de contention ; externalisation des frontières

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Exenberger Johanna

Master Anthropologie « Migrations, Racisme, Altérités »

Université Paris Cité

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Le voyage migratoire à travers des cartes mentales : une enquête auprès des Centraméricains au Mexique 

Introduction

Pour décrire le voyage migratoire en provenance des pays centraméricains, notamment le Honduras, le Salvador et le Guatemala, vers le Nord[1], la liste des qualificatifs est longue. On me parle d’un voyage difficile, beau, traumatique, rapide, long, merveilleux, aventureux, triste, à couper le souffle, stressant, effrayant, froid, chaud, inconfortable…souvent tout en même temps. Comment étudier un voyage aussi divers, presque contradictoire, du moins à première vue ? Comment saisir sa complexité, ses logiques et son caractère dynamique alors qu’au moment de notre rencontre les migrants n’étaient pas en mouvement ?

La première fois que je rencontre les personnes enquêtées, c'est en tant que bénévole dans une ONG à Guadalajara, mon lieu d’études, de 2017 à 2018. Puis, j’y suis retournée entre 2019 et 2020 pour y mener cette enquête. Cette ONG accueille des migrants « en transit » leur permettant d’avoir un abri pour trois jours afin de se reposer, se laver, contacter leurs familles et se nourrir. Le nombre des demandes d’asile ayant augmenté au Mexique ces dernières années (COMAR, 2023; Nájar & Rojas, 2019; París Pombo, 2019: 4; Varela-Huerta et al., 2022), l’ONG accompagne également les demandeurs d’asile ainsi que les bénéficiaires de la protection internationale. Elle dispose d’un pôle juridique et d’un pôle de recherche. Elle participe à la Red de Documentación de las Organizaciones Defensoras de Migrantes (REDODEM)[2] ayant pour objectif de construire un plaidoyer commun avec 24 autres albergues[3] présents sur le territoire mexicain (REDODEM, 2023).

Pour mon enquête, j’ai travaillé en tant que bénévole le matin, ce qui me permettait de faire de l’observation participante (Malinowski, 2007), de mener des entretiens informels et de rentrer en contact avec les personnes présentes (y compris mes collègues). J’avais alors l'opportunité d'inviter les personnes intéressées à participer à des entretiens les après-midis, qui étaient consacrées à ma recherche. Je n’avais pas de critères concernant le profil, à part l’âge (entre 18 et 50 ans) et le genre (des personnes s’identifiant en tant qu’hommes). L’absence de femmes dans le panel s’explique par le fait qu’elles étaient moins présentes que les hommes et très protégées par l’ONG ; il était donc difficile de rentrer en contact avec elles.[4]

Un des principaux défis était de développer des méthodes permettant l’établissement d’une relation de confiance afin que les personnes acceptent de participer à un entretien approfondi. Cette nécessité s’explique par la sensibilité du sujet : De nombreux migrants ont dû faire face à des expériences difficiles voire traumatiques, dans leurs pays d’origine et durant leurs voyages. Pour d’autres, des expériences extraordinaires peuvent être vécues, et le voyage alors décrit comme une « merveille » ou une « aventure », malgré les difficultés. De fait, il a été important de développer des méthodes « souples », adaptables à la personne concernée et à son envie de [se] raconter ou non.

J’ai travaillé sous la forme d’entretiens narratifs et le dessin d’une carte mentale : les personnes migrantes m’ont raconté en dessinant (ou inversement), leurs voyages sur une feuille blanche, depuis leur point de départ jusqu’au point de notre rencontre. Elles étaient filmées avec leur accord explicite, ne montrant que les mains qui dessinent et enregistrant la voix[5]. Les entretiens pouvaient être interrompus à tout moment si la personne le souhaitait. Au total, j’ai obtenu 11 cartes.

Si cette enquête s’inscrit principalement dans l’anthropologie et la sociologie des migrations, la technique des cartes mentales a été inspirée par la psychologie et la géographie sociale. Cette dernière s’attache à des espaces considérés en marge et assume un positionnement de lutte contre les injustices (Di Méo et Veschambre in Dujmovic, 2022 : 113). Comme elle s’intéresse à l’individu, les cartes mentales ont été créées par les personnes enquêtées afin de les placer au centre de l’analyse (Counilh, 2014 : 228). Cependant, elles ne prennent tout leur sens qu’en les resituant dans un contexte plus large et en combinant des échelles différentes (Bacon et al., 2016 : 209 ; Séchet et Veschambre 2006 in Dujmovic, 2022 : 116).

Pensée comme technique d’enquête au départ, je m’interroge dans cet article sur les possibilités offertes par les cartes mentales dans l’étude des voyages migratoires. Je me pose également la question de « ce qui est produit » à partir de la carte mentale elle-même afin de l’utiliser comme instrument de plaidoyer.

Pour commencer, je propose une brève réflexion théorique sur le choix méthodologique de l’utilisation des cartes mentales. Ensuite, j’analyserai quelques-unes selon quatre aspects : leur forme, leur contenu, leur lien avec la narration et leur titre. Cette analyse sera nécessaire pour en tirer quelques réflexions sur cette méthode et ses apports, ce qui constituera la dernière partie de l’article.

I. Pourquoi des cartes mentales ?

Le Mexique, tenu par une série d’accords et de partenariats avec les États-Unis, joue, pour le pays voisin, le rôle d’un État de contention (Faret, 2020; FitzGerald & Palomo-Contreras, 2018) dont l’objectif principal est de dissuader les migrants dits clandestins et, depuis 2019, de recevoir les demandeurs d’asile pour les États-Unis sur son sol (París Pombo, 2018b, 2021; París Pombo & García Zapata, 2019). Ainsi, la frontière étatsunienne, aujourd’hui externalisée, commence en réalité à la frontière sud du Mexique (París Pombo, 2018a; Torre-Cantalapiedra & Yee-Quintero, 2018). Parallèlement, à travers des patrouilles et des stations de contrôle migratoire établies sur la totalité du territoire mexicain (París Pombo, 2018a), la frontière (sud et nord) se matérialise à tout moment, ce qui place les migrants dits clandestins dans des situations de « déportabilité », c’est-à-dire, susceptibles d’être expulsés à tout moment (De Genova 2002 : 439). La frontière devient donc mobile (Amilhat Szary, 2015), la politologue Amalia Campos-Delgado parle même d’une « incarnation de la frontière » par les migrants (Campos-Delgado 2018 : 491). En outre, les catégories « sans-papiers », « illégaux » ou « clandestins » différencient et hiérarchisent les personnes concernées par rapport aux autres migrants qui résident légalement dans le pays et par rapport aux Mexicains. Cette illégalité, ajoutée à la peur d’être déportés à tout moment, entraîne des situations d’exclusion, de vulnérabilité et de contrôle (De Genova in Aquino, 2018) dont tirent profit plusieurs acteurs, notamment les réseaux du crime organisé.

Compte tenu du contexte dans lequel se réalisent les voyages et du caractère clandestin de ceux-ci, le terrain peut être qualifié de « sensible » (Bouillon et al., 2006 : 13‑14; Clavé-Mercier & Rigoni, 2017 : 19; Legoux & Lassailly-Jacob, 2012; Lendaro, 2017 : 31; Sakoyan, 2006 : 1; Senovilla-Hernández, 2021) parce qu’il porte « sur des pratiques illégales ou informelles, des individus faisant l’objet d’une forte stigmatisation et sur des situations marquées par la violence, le danger et/ou la souffrance » (Bouillon et al., 2006 : 13‑14). Ainsi, recueillir des témoignages peut être difficile (Clavé-Mercier & Rigoni, 2017 : 19). Virginie Tallio parle même d’une « triple sensibilité » (en rapport avec la vulnérabilité des enquêtés, les enjeux socio-politiques et les techniques d’enquête) ayant un impact sur la collecte des données et leur interprétation (Tallio in Legoux & Lassailly-Jacob, 2012 : 5). Je craignais également de réveiller des traumatismes ou des expériences douloureuses durant les entretiens (Ayimpam & Bouju, 2015 : 14), sachant que je n'avais aucune solution concrète aux problèmes des personnes interviewées.

 Enquêter auprès des migrants centraméricains implique donc une certaine responsabilité (Ayimpam & Bouju, 2015 : 14; Murphy, 2015 : 92; Fassin in Sakoyan, 2006 : 3) et il est nécessaire « d’engager une réflexion sur les relations et les méthodes d’enquête » (Clavé-Mercier & Rigoni, 2017 : 24). Dans un premier temps, il était important d’établir des relations de confiance avec les personnes rencontrées (Clavé-Mercier & Rigoni, 2017; Lagarde, 2020; Lendaro, 2017; Murphy, 2015; Ritter, 2015; Senovilla-Hernández, 2021). Tout d’abord, ma posture pendant le bénévolat était cruciale dans l’établissement d’une telle relation car grâce à mes missions, et après de nombreuses conversations informelles, les personnes pouvaient alors décider de m’accorder leur confiance et un entretien. Comme le montre Annalisa Lenardo, l’enquêteur ou l’enquêtrice vient souvent de « l’extérieur » (Lendaro, 2017 : 31). Pour favoriser un climat de confiance, il est donc important de connaître « l’Autre », le contexte socio-historique et politique (Clavé-Mercier & Rigoni, 2017 : 25) et de maîtriser le langage des enquêtés (Ritter, 2015 : 106). Avoir déjà travaillé dans l’ONG avant de mener l’enquête m’a aidée à connaître le contexte nécessaire, les personnes accueillies, leurs histoires, leurs habitudes et leurs manières de parler. Ainsi, j’ai pu apprendre un vocabulaire caractéristique de la migration (centraméricaine) impliquant des pratiques également spécifiques : coyote o pollero, burrear, la migra, la Bestia, brincar, marero[6] ; pour ne citer que ces quelques exemples.

Afin de maintenir ou d’installer une relation de confiance durant l’entretien, j’ai travaillé avec des entretiens narratifs, permettant de minimiser mon intervention et de maximiser la narration de la part des enquêtés (Pruvost, 2011), et le dessin d’une carte mentale. Celle-ci a d’abord été pensée comme entry-point (Murphy, 2015) qui permet de « briser la glace » et comme un outil participatif et « ludique » pour faciliter la parole et l’échange (Mekdjian in Caquard & Joliveau, 2016 : 4), à plus forte raison lorsqu’il s’agit de sujets proches de l’indicible (Senovilla-Hernández, 2021 : 21). Ces cartes ont été élaborées avec différents outils tels des feutres, des crayons, des marqueurs et des feuilles de papier de couleur. Les personnes étaient libres à choisir « comment » et « quoi représenter », la seule consigne était de marquer et d’expliquer les moments les plus significatifs, beaux et difficiles. Cette technique d’enquête peut donc être considérée comme « souple » car elle s’adapte au récit de l’enquêté et son envie de raconter ou non. Outres les souffrances, j’ai pu découvrir aussi d’autres aspects du voyage, comme la joie, l’aventure et la liberté (Murphy, 2015 : 94). Dans ce sens également, elle a contribué à « la réduction de l’inégalité de la relation enquêteur-enquêté et d’autre part, permettre à l’enquêté de se réapproprier son histoire » (Ritter in Ayimpam & Bouju, 2015 : 16)

La carte mentale rend compte de l’itinéraire « dans ses dimensions qualitatives et sensibles » (Bacon et al., 2016 in Lagarde, 2020 : 1). Compte tenu de son caractère subjectif, la représentation du vécu est influencée par plusieurs variables : « le sujet psychologique avec ses déterminations propres ; le même sujet abordé dans sa dimension sociale, avec ses apprentissages et ses codes sociaux » (Di Méo 1990 : 361). Les émotions ou les sentiments éprouvés durant le voyage ou pendant l’entretien, mais également le statut légal, la classe, le genre, la race[7], l’âge, les rapports de force et de domination, ou l’éducation, peuvent exercer une influence sur la forme et le contenu de la représentation. Par ailleurs, les personnes enquêtées sélectionnent des évènements qui leur semblent pertinents parce qu’elles ne se souviennent pas de tout (Amar et al., 2021 : 137; Counilh, 2014 : 234) ou parce qu’elles estiment que certaines situations répondent mieux aux attentes de l’enquêtrice que d’autres (Senovilla-Hernández, 2021 : 28). Aussi « la situation d’enquête elle-même (…) [contribue] inévitablement à déterminer le discours recueilli » (Bourdieu 1986 : 70). Le lieu de l’entretien, l’objet de l’enquête, les relations de pouvoir entre la personne enquêtée et moi-même, les consignes données et le fait qu’au milieu de la table se trouvait une caméra qui filmait les entretiens, ont donc certainement influencé les représentations du voyage. Finalement, « l’intervention du hasard et des aléas dans l’agencement socio-spatial des histoires de vie et des trajectoires migratoires constitue un élément à prendre en compte » (Counilh, 2014 : 234).

Les cartes mentales permettent de visibiliser les blocages et les violences rencontrés par les migrants en raison des politiques migratoires restrictives à une échelle micro. Afin qu’elles prennent du sens, il est nécessaire de les analyser dans le contexte des cartographies « officielles » (produit par les États, FRONTEX, certaines organisations comme l’OIM etc.) servant à justifier les décisions politiques et le budget nécessaire pour protéger les frontières (Cobarrubias, 2019 : 772). Ces cartes sont souvent inexactes (Casas-Cortés et al., 2022 : 110). Elles insinuent des déplacements unilatéraux et en ligne droite (Amar et al., 2021 : 130), des voyages fluides et sans obstacles (Choplin & Pliez, 2011 : 3; Costil & Fattori, 2019 : 225) et occultent la dimension circulaire et multidirectionnelle de la migration « dont le message sous-jacent est que la migration constitue un phénomène dangereux, qui doit être arrêtée, redirigée, anticipée et contrôlée » (Casas-Cortés et al., 2022 : 110). Ce message est véhiculé à travers certaines couleurs, formes et mots (Amar et al. 2021 : 141). Sur la carte de FRONTEX par exemple, des « énormes flèches rouge foncé, la couleur du danger, des flèches venant d’Afrique subsaharienne ou d’Afghanistan et qui viennent déverser un flot d’individus en Europe » (Amar et al., 2021 : 141) donnent « une sensation visuelle d’une invasion de l’Europe » (Amar et al., 2021 : 134). La manière dont sont représentées les migrations n’est pas innocente (Bahoken & Lambert, 2020), ces cartes peuvent constituer un outil de contrôle (Casas-Cortés et al., 2022 : 110), influencer l’opinion publique sur la réalité des migrations et favoriser des discours xénophobes (Amar et al., 2021).[8]

C’est dans cette perspective que les cartes mentales de cette recherche contribuent à contredire, rectifier et compléter les cartes officielles sur les migrations au et participent au besoin de « représenter selon différentes perspectives » (Amar et al., 2021). En choisissant eux-mêmes les couleurs, les mots et les formes, les enquêtés montrent à travers des cartes de nombreuses bifurcations, réorientations, changements d’avis (Amar et al., 2021; Morange & Schmoll, 2016, p. 191). Le projet migratoire évolue donc en cours de route. Les déplacements ne sont pas lisses et les territoires sont parfois difficiles d’accès. Par ailleurs, malgré les contrôles migratoires, « ils ne façonnent pas de manière exclusive les parcours migratoires et ne parviennent pas à les interrompre comme les États qui en sont à l’origine le voudraient » (Bacon, 2022, p. 131). Dans ce sens, les cartes élaborées par les migrants peuvent être considérées comme des contre-cartes (Campos-Delgado, 2018; Casas-Cortés et al., 2022; Mekdjian, 2016, 2020). Elles constituent une approche qui « remet en cause l’invisibilité des récits des migrants en situation irrégulière et met en évidence la précarité de leur mobilité » (Campos-Delgado, 2018 : 489)[9]. Elles peuvent se transformer en instrument de sensibilisation et être utilisées en dehors du monde académique, bien qu’il serait nécessaire de les compléter avec des cartographies quantitatives basées sur des recherches empiriques sur les migrations au Mexique afin de les inscrire dans une échelle macro.

Le contexte de réalisation de cette enquête étant posé, nous allons à présent interroger la création et l’analyse des cartes mentales obtenues et leur capacité à rendre compte d’une réalité complexe.

Cette première partie constitue par ailleurs une étape importante de l’analyse, car « une carte extraite de son contexte de production est une carte morte, inanimée. Dissociée de tous les choix méthodologiques, politiques et scientifiques dont elle est la résultante, elle ne permettra qu’une interprétation erronée de son contenu » (Caquard & Joliveau, 2016 : 3).

 II. Les cartes mentales

La diversité des cartes et des informations qu’elles transmettent, combinées avec les narrations, ont suscité plusieurs questions : Comment analyser une carte mentale ? Comment synthétiser les enseignements qu’elles contiennent sans occulter les spécificités de chacune ? Comment réussir à monter en généralité à partir de situations individuelles tout en réussissant à contribuer à la réflexion portant sur la représentation cartographique des mouvements migratoires ?

Je propose une analyse selon quatre catégories : Comment le voyage est représenté (la forme), ce qui est représenté (le contenu), l’articulation entre le dessin et la narration et les titres des cartes. La forme et le contenu d’une carte est par ailleurs une des questions géographiques fondamentales à se poser lorsque l’on souhaite cartographier un parcours migratoire (Counilh, 2014 : 208).

A. La forme des cartes

La plupart des personnes ont choisi de représenter leur voyage autour d'un chemin. Ce chemin relie les différents lieux visités et les événements qui s'y sont déroulés, souvent expliqués par des dessins et/ou des écrits. Voici un exemple :

 Carte 1 Le voyage de Marco et Felipe

Carte 1 : Le voyage de Marco et Felipe, 05/02/2019

Marco et Felipe, âgés de 28 et de 19 ans, se sont connus au Honduras et voyagent ensemble en direction des États-Unis. Ils souhaitent s’y installer afin d’améliorer leurs conditions de vie, réaliser leurs rêves et vivre dans un milieu plus sûr qu’au Honduras. Pour Marco, c’est son deuxième voyage et ses expériences migratoires antérieures lui sont utiles lors de ce voyage. Ils le représentent par un chemin en indiquant : les endroits par lesquels ils sont passés, les frontières franchies, les distances parcourues, le temps écoulé, les moyens de transports, certaines anecdotes et les personnes qu’ils ont rencontrées par de petits dessins ou par l’écriture.  

José, Hondurien, 21 ans et sans papiers, reprend une partie de l’Amérique centrale dont son pays d’origine, le Honduras, puis le Mexique et les États-Unis par leurs formes géographiques. Puis, il dessine deux itinéraires, représentant ses deux voyages. Son projet migratoire est flou, il n’a plus envie de brincar[10], mais de s’installer au nord du Mexique, d’être heureux et d’être reconnu par les autres.

Carte 2 Le voyage de Jos

Carte 2 : Le voyage de José, 11/02/2019 

Rafael, 18 ans et d’origine hondurien, construit sa carte uniquement par l’écriture : il écrit les différents lieux par lesquels il est passé, l’un après l’autre, laissant un grand espace blanc. Il s’agit de son premier voyage en direction des États-Unis dans l’objectif d’améliorer ses conditions de vie, d’aider sa famille et d’être quelqu’un dans la vie. Il est accompagné par un ami qui connaît le chemin et ne reste que peu de temps à l’albergue.           

 

Carte 3 Le voyage de RafaelCarte 3 : Le voyage de Rafael, 12/02/2019

Oswaldo, 30 ans, fuit les violences au Salvador. Il y était persécuté et menacé par les maras[11]. La carte d’Oswaldo se construit par le dessin, quasiment sans écriture. C’est la seule qui ne représente pas de parcours et qui n’est pas organisée de manière chronologique. Contrairement à la plupart des cartes, sauf celle de José, elle ne se limite pas à un voyage mais raconte l’histoire d’une vie marquée par la violence, la persécution et de nombreux voyages migratoires. On y retrouve des éléments de cette vie : le mouvement et le blocage, les amis et les ennemis, la vie et la mort, la souffrance et l’envie de continuer, de construire et de reconstruire.

Au total, Oswaldo a fait sept voyages migratoires, tous caractérisés par une extrême violence. Lors du dernier, il a demandé l’asile au Mexique.

 

 

Carte 4 2 Le voyage dOswaldo

 

Carte 4 : Le voyage d’Oswaldo, 06/02/2019

 B. Le contenu des cartes 

Indépendamment de la manière dont le voyage a été représenté, on peut trouver des points communs sur les différentes cartes : les frontières et les contrôles migratoires constituent la plus grande difficulté éprouvée durant le voyage, mentionnés et détaillés par l’ensemble des personnes, et représentés sur neuf cartes sur dix. De même, le train, un moyen de transport important souvent associé au danger et aux difficultés, apparaît dans cinq cartes. L’ensemble des narrations montre également que les relations sociales et les rencontres constituent d’importantes ressources d’aide avant, durant et après le voyage (Aragón, 2014) ; comme le sont aussi les albergues se trouvant le long des routes migratoires. Voyons plus en détails la place que prennent ces éléments dans les cartes.

Commençons par les frontières. Mike, 20 ans, fuit la violence et la pauvreté au Honduras. C’est son premier voyage et il fait la première partie en caravana[12]. Il représente la frontière à travers un ensemble de maisons qui symbolisent, selon ses propres mots, les refuges et l’Institut National de Migration (INM)[13] où il est allé, avec les autres membres de la caravane, « pour pouvoir solliciter les papiers, pour pouvoir continuer le chemin » (Mike, 14/02/2019). Cela illustre bien la courte tentative du président Andrés Manuel Lopez Obrador, alors nouvellement élu, de mener une politique migratoire plus ouverte et humaine de décembre 2018 à mars 2019. Le projet migratoire de Mike est de s’installer au Nord du Mexique et d’y travailler.

 

Carte 5 Le voyage de MikeCarte 5 : Le voyage de Mike, 14/02/2019

Juan-Carlos et Alejandro ont franchi la frontière sud à Tecún Umán, un passage officiel de la frontière où la surveillance et le contrôle migratoire ont été renforcés à partir de mars 2019. Ainsi, les deux migrants ont dû passer la frontière par le fleuve Suchiate :

« […] ça c’est le pont entre Tecún et Hidalgo, mais nous ne pouvions pas traverser le pont. Nous ne pouvions pas le traverser, parce qu’ici, je vais te le dessiner […], ici se trouve la Migración. […], il y a une grande porte ici, mais on ne peut pas la passer. Et donc ce que nous avons fait alors, c’est prendre des radeaux qui se trouvent ici […]. Il y a des radeaux qui t’amènent de l’autre côté. Mais le problème de l’autre côté c’est qu’il y a aussi la Migración.  Il y a la Marine, il y a…la Police fédérale et…tous sont de l’autre côté. Et de l’autre côté ils t’attendent déjà (…) seulement tu descends du radeau et ils demandent déjà tes papiers ou ta carte d’identité et donc…oui…c’est très difficile, seulement…c’est Dieu qui décide ce qui nous arrive » (Alejandro, 16/03/20).

Carte 6 Le voyage dAlejandro

Carte 6 : Le voyage d’Alejandro, 16/03/2020

           

Santiago, réfugié statutaire et originaire du Honduras, représente la frontière à travers la montagne car pour contourner les contrôles migratoires, il a dû passer par des régions montagneuses et tropicales. Cela montre par ailleurs que la topographie d’un pays peut également constituer une difficulté importante.

Carte 7 Le voyage de Santiago

Carte 7 : Le voyage de Santiago, 16/03/2020

Dans d’autres cartes, la frontière apparaît sous une ligne qui sépare les différents pays. C’est le cas de José, Josué et Carlos. Comme Marco et Felipe, ils ne marquent pas seulement la frontière sud du Mexique mais aussi celle entre le Honduras et le Guatemala ou, le cas échéant, la frontière nord du Mexique. Les récits des personnes enquêtées montrent que le franchissement des frontières avant d’arriver au Mexique était souvent stressant, difficile, risqué, voire dangereux, bien que moins que les frontières mexicaines. L’illégalité des migrants, et la « déportabilité » qui en résulte (De Genova, 2002), commencent bien avant la frontière sud du Mexique, notamment pour les ressortissants du Honduras et du Salvador. De fait, les Centraméricains franchissent une, voire deux ou trois frontières en plus et sont confrontés à des contrôles migratoires permanents à l’intérieur du Mexique. Souvent, ces étapes du voyage ne sont pas incluses sur les cartes officielles sur les migrations (comme par ailleurs les difficultés liées à la topographie du pays) occultant ainsi une grande partie de l’itinéraire et les dangers impliqués avant d’arriver au Mexique.

 Un autre élément que l’on retrouve sur plusieurs cartes est le train appelé la Bestia (la Bête), un moyen de transport central. Il est évoqué avec respect, parfois avec de la peur, et on se raconte l’insécurité et le danger qui y règnent.  Il n’est pas rare que des personnes tombent du train, soient agressées, volées et attaquées par des délinquants, des groupes criminels et armés et même par les forces de l’ordre.

« Ce que j’ai vécu au Chiapas, c’était la mort de deux Honduriens à cause du train. J’ai eu très peur, j’ai jamais pris le train. Je me suis dit que c’est mieux que je demande des papiers » (Josué, 11/03/2020).

« Ça c’est la bataille la plus dure qu’il y ait pour le migrant, c’est la montée dans le train. Ça c’est le plus dur » (Santiago, 15/03/2020).

Le train peut avoir un grand impact sur le voyage, comme pour Oswaldo, et détermine même sa direction ou durée. Pour Carlos, Juan-Carlos, Marco et Felipe, il n’est pas toujours clair si le train s’arrête, où il s’arrête, sur lequel monter, par où y monter, la direction qu’il prend. Souvent ils l’attendent des heures. Ils se trompent parfois de train et continuent leurs voyages dans une direction imprévue. Comme José qui voulait arriver à Monterrey, au Nord-est, mais qui accepte le fait qu’il se soit trompé de train en l’attribuant à la Providence divine et continue la route du Pacifique, à l’Ouest.

Ils doivent rester souples, réajuster leurs plans au fur et à mesure, interroger les autres migrants, la population locale, les autorités et accepter des heures, voire des jours d’attente.

« Eh bien dans le train souvent on peut le faire en moins de temps [le chemin], mais le train s’arrête souvent. Le train peut s’arrêter jusqu’à 8 heures, mais il peut aussi s’arrêter jusqu’à…rester là-bas deux jours…et il part deux jours après. Donc tu ne sais pas quand le train va partir » (Carlos, 12/03/20).

Malgré toutes ces difficultés réelles et importantes, les entretiens ont montré que le voyage en train peut en même temps être vécu comme beau et comme une aventure. Il serait erroné de le réduire à la seule souffrance et au danger :

« C’est comme…c’est dommage que je n’aie pas pu prendre des photos…mais c’est un…tu regardes et c’est comme…tu peux voir par exemple le coucher de soleil depuis le train et tout ça. C’est très beau, mais souvent il y a eu des accidents, le train peut tomber. Mais ils n’enlèvent jamais les gens de là-bas, on ne peut pas y descendre » (Carlos, 12/03/20).

 « C’est beau parce qu’on voyage en train, on souffre, mais c’est beau, vous comprenez, j’ai toujours aimé le train. Mais aujourd'hui, comme je l'ai dit, c'est la chose la plus précieuse. Et…et on réussit. On obtient les bénéfices, tout, en luttant, vous comprenez […] » (Santiago, 16/03/20).

Précisons également que seuls Marco, Felipe et Alejandro ont représenté d’autres moyens de transport que le train, tels les bus, des longues journées de marche ou des radeaux (voir cartes 1 et 6). Voici quelques représentations du train :

Extrait carte 4 Oswaldo

Extrait de carte 4 : Le train par Oswaldo.

Il raconte l’attaque par un groupe armé vêtu en policier, ils ont kidnappé une soixantaine de migrants qui étaient montés sur le train. Ils ont battu et tué plusieurs personnes ; Oswaldo a été gravement blessé.

 

Extrat carte 7 Santiago

Extrait de carte 7 : Le train par Santiago

Il raconte qu’il faut savoir « monter le train » [14], car il est très facile de tomber, de se blesser, voire de mourir. Pour lui, le train représente une bataille très dure (voir citation ci-dessus), mais il le décrit aussi comme beau. Il raconte également les rencontres qu’il a pu faire sur le train, représentées ici sous forme de petits bonhommes. 

Durant le voyage, les migrants rencontrent des personnes différentes : d’autres personnes en migration, des Mexicains, des forces de l’ordre, des criminels etc. Certaines de ces rencontres peuvent être positives et constituer une aide importante : comme l’entraide entre les personnes migrantes, la solidarité de la part de la population locale, l’aide apportée par les albergues, et les relations qu’elles entretiennent avec leurs familles et amis restés au pays ou qui se trouvent déjà à l’endroit de destination (Aragón, 2014). D’autres rencontres sont moins positives, comme ce fut le cas d’Oswaldo et de beaucoup d’autres migrants qui ont été volés, attaqués, blessés, contrôlés et expulsés. Qu’elles soient positives ou négatives, ces rencontres orientent le voyage d’une manière ou d’une autre. Plusieurs personnes les représentent sur leurs cartes :  

Marco et Felipe (voir carte 1) vont volontairement à Coatzacoalcos, où Marco connaît une Mexicaine qui l’a aidé lors de son premier voyage. Ils représentent son aide sous la forme de sa maison où ils ont passé la nuit. Puis, ils montrent la rencontre avec un autre migrant à Santa Marta (Raúl) avec qui ils ont partagé leur nourriture et leur argent. Ils dessinent ensuite un magasin (la tienda) où ils ont obtenu des instructions sur le départ du train. Ils marquent un pont où ils l’ont attendu avec d’autres migrants. Enfin, pour se rendre à Guadalajara, ils ont suivi les indications et la carte qu’un Mexicain leur avait dessinées.

Mike (carte 5) représente les stations d’essence où il a passé ses nuits avec les autres membres de la caravane. Il parle aussi de l’entraide entre les personnes migrantes :

“Donc, beaucoup d’aide et en vrai c’était une belle aventure, parce que grâce à Dieu nous n’avons pas souffert, tout s’est bien passé, eh bien, quand on dort dans les stations d’essence ou dans les rues actuellement, on fait un groupe de vigilance de tant de personnes qui gardent les autres et entre tous on se protège, tous on s’entraide avec de la nourriture, de l’eau, on aide les femmes qui ont des enfants […]» (Mike, 14/02/19).

D’autres éléments sont représentés sur plusieurs cartes, comme l’argent et le temps investi, ainsi que les distances parcourues. Le récit de Carlos, Marco et Felipe est structuré autour de ces éléments, ils les mentionnent avec précision et de manière régulière. Les albergues et leur centralité durant le voyage apparaissent également dans le récit et la carte de nombreux migrants.

C. Le lien entre la carte et la narration

Les exemples ci-dessus montrent qu’un lien étroit existe entre les cartes et la narration qu’il convient d’analyser. D’après Sébastien Caquard et Thierry Joliveau, ce lien s’élabore par le lieu :

« La carte peut dès lors s’envisager comme une interface pour voyager entre lieux et récits. Entrer dans le lieu par le récit, ou entrer dans le récit par le lieu ne sont pas deux procédés opposés. Ce sont des boucles imbriquées qui, bien coordonnées, peuvent favoriser par le récit une compréhension approfondie et enrichie des lieux et instaurer un lien personnel avec eux, fondé sur l’immatériel, la mémoire et l’émotion. » (Caquard & Joliveau, 2016 : 2).

Ce qui est dit peut être important dans le dessin (et vice-versa) et l’un complète la compréhension de l’autre, mais comment s’articulent dessin et narration de manière concrète ? Bien que chaque entretien ait été différent, tous ont permis d’observer trois façons de faire : Le récit peut déterminer le contenu de la carte, c’est-à-dire que les personnes ont raconté d’abord une partie de leur voyage, puis elles l’ont dessiné. Ou alors, le dessin détermine la narration : c’est le cas des personnes qui ont dessiné d’abord et raconté après. Enfin, les personnes ont raconté et dessiné en même temps, ce qui était le moins fréquent. 

Ces trois possibilités se sont combinées parfois dans un seul entretien, mais, généralement, les personnes racontaient plus qu’elles ne dessinaient. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la cartographie est considérée comme un « instrument de visualisation » (Alvir, 2016) supposant « (…) que la réalité est traitée comme un ensemble de procédures faites de sélection, de schématisation et de synthèse » (Söderström 2000 in Alvir 2016 : 81). Cela permet « de passer d’une réalité complexe à sa figuration simplifiée » (Söderström 2000 in Alvir 2016 : 81). Les cartes fonctionneraient donc comme une sorte de synthèse du récit.

Pour montrer cette articulation, je me baserai sur les entretiens de Carlos, José et Rafael :

Carte 8 Le voyage de Carlos

Carte 8, le voyage de Carlos 12/03/2020

La carte de Carlos constitue la base de son récit. Il élabore une carte de forme géographique et n’y marque que les endroits par lesquels il est passé. Ensuite, dans son récit, il reprend ces endroits en développant des évènements qui ont eu lieu à chaque endroit. Son récit se construit autour de quatre éléments qui reviennent tout au long de ses voyages : le train, les albergues, l’aide de la part des Mexicains et les difficultés auxquelles il a dû faire face, notamment celles liées au climat, au manque de nourriture et aux moyens de transport, mais aussi les contrôles migratoires, le danger et la violence. De plus, il précise toujours la durée d’un trajet pour se rendre d’un endroit à un autre ainsi que la durée de séjour dans un lieu donné. Cette importance donnée au temps révèle « la complexité des mécanismes procédant à la mise en mouvement à chaque étape du parcours » (Counilh, 2014 : 207). Toutes ces données ne sont pas présentes sur sa carte qui rend compte de son itinéraire géographique. Nous pourrions donc dire qu’ici la carte est utilisée comme base pour son récit et facilite sa structuration.  Son récit très précis et complet a permis de reconstruire ses voyages et de les étudier dans le temps. Nous voyons clairement les quatre éléments dont il est question ci-dessus :

           Carte 9 La tierra prometida

Carte 9 : La tierra prometida, le premier voyage de Carlos

 

Carte 10 La odisea

Carte 10 : « La odisea » (l’odysée), le deuxième voyage de Carlos

La carte de José (carte 2) met en avant ses deux voyages migratoires. Il ne marque pas de noms des lieux et ne dessine pas d’anecdotes, mais on retrouve ces éléments dans son récit. Les cercles qu’il dessine indiquent des évènements que l’on ne peut comprendre qu’en écoutant le récit. Seules les différentes manières de passer la frontière étasunienne sont expliquées à travers le dessin : à l’Ouest il est possible de burrear, à l’Est, seul le paiement d’un certain montant d’argent permet le franchissement. Dans son récit, Dieu prend une place fondamentale, mais il est absent de sa carte. Après avoir terminé sa carte, José l’utilise souvent pour son récit et pour répondre à mes questions. Ainsi, il ne répète plus le nom des lieux mais il le pointe du doigt en disant « ici » ou « d’ici vers là-bas ». Sa carte lui est donc utile et lui sert comme support pour son récit.

Le dernier exemple est la carte de Rafael (carte 3). L’entretien avec Rafael se caractérise par des réponses très courtes. Il m’expliquait de ne pas être à l’aise, il craignait de commettre des erreurs, de ne pas rendre un travail suffisamment bon ou qui corresponde à mes attentes. De manière générale, il n’y avait pas beaucoup de différences entre son récit et sa carte, caractérisés par de nombreux silences. 

Contrairement aux autres cartes, celle-ci traduit donc un aspect fondamental des voyages migratoires clandestins : les silences et les absences. Ces silences peuvent symboliser « l’inénarrable » (Moussavou Nyama, 2018), des choses difficiles à raconter, telles la violence, la mort (Moussavou Nyama, 2018), les agressions.

Les espaces blancs sur la carte, peuvent également montrer l’absence des personnes sans papiers sur le territoire mexicain :

« Les migrants sans papiers sont absents physiquement en étant détenus ou expulsés, et socialement en se voyant refuser des droits et des services particuliers. L'interdiction d'arriver à leur destination conditionne les voyages des migrants sans papiers, ce qui les pousse à se cacher avant même d’apparaître »  (Strathem 1995 in Bibler Coutin 2005 : 196).

 

Ce sont là des propositions d’interprétations des « blancs » de Rafael, car nous ignorons les raisons pour lesquelles il a surtout représenté un espace blanc. Il est possible que celui-ci soit lié à sa peur de mal faire ou à sa timidité. Il aurait été intéressant de lui poser la question.

D. Les titres des cartes 

 À la fin de chaque entretien, j’ai invité les participants à donner un titre à leurs cartes. En voici deux exemples en relation directe avec leur récit :

« El sueño americano es ser feliz » (fr.: « Le rêve américain est d’être heureux »), José, 2019 : ce titre peut être interprété de différentes manières. D’une part, il fait référence au projet de José d’être heureux, de se réaliser à travers la migration. D’autre part, ce « rêve américain » peut faire référence à quelque chose de plus ample, comme son rêve d’une Amérique sans frontières qui rendrait heureux les habitants du continent. Et finalement le « rêve américain » est une métaphore pour la richesse, la réalisation de soi, une vie meilleure.

« La tierra prometida », (fr. : « La terre promise »), Carlos, 2020 : Ce titre est une métaphore biblique qui désigne les États-Unis comme « terre promise ». Il n’est pas donné par hasard dans la mesure où Dieu et la confiance en Dieu jouent un rôle fondamental dans beaucoup de voyages migratoires des personnes enquêtées. Carlos confirme : “(…) j’ai toujours été croyant, depuis que je suis tout petit, [cette foi] a été inculquée par mes parents, je les voyais toujours très croyants, très reconnaissants envers Dieu et donc pendant tout mon chemin je m’en suis remis à Dieu. Je pense que c’est grâce à lui que je suis vivant jusqu’à maintenant » (Carlos, 12/03/2020). Nous pouvons retrouver cette métaphore biblique dans le récit de Juan-Carlos, qui lui aussi parle des États-Unis comme « terre promise ».

Conclusion

La méthode des cartes mentales et des récits a constitué le fil conducteur de cette recherche. Au départ, le dessin et la narration libre étaient pensés comme un moyen d’établir une relation de confiance avec la personne, lui permettant ainsi de choisir les anecdotes racontées, la durée et la densité de l’entretien. J’espérais aussi découvrir de nouveaux aspects permettant d’ajuster ou de changer mes approches et ma compréhension de ce phénomène migratoire. Et ce fut le cas. Les cartes se sont révélées riches en nouvelles informations, qui allaient au-delà du voyage et qui facilitaient la compréhension de sa complexité. 

Nous avons vu avec Guy Di Méo (1990) que l’analyse d’une représentation, en l’occurrence la représentation du voyage, permet même de se poser des questions au-delà du vécu de la personne : pourquoi la personne choisit-elle de représenter tel évènement ? Pourquoi le représente-t-elle de telle manière ? Comment les émotions et les ressentis transforment-ils la représentation ? Dans quelle mesure les structures sociales et économiques influent-elles sur la manière dont on représente ?

Ce sont notamment les travaux de géographes (Amar, M., Aprile, S., & Bahoken, F., 2021 ; Bacon, 2022 ; Bacon et al., 2016 ; Bahoken & Lambert, 2020 ; Caquard et Joliveau, 2016 ; Choplin et Pliez, 2011 ;  Cobarrubias, 2019 ; Counilh, 2014 ; Di Méo, 1990 ; Dujmovic, 2022 ; Lagarde, 2020 ; Mekdjian, 2016 ; 2020) qui ont permis dans un deuxième temps d’établir quatre catégories d’analyse : comment représenter ? Que représenter ? Quelle est la relation entre la carte et le récit ? Comment la personne résume-t-elle le voyage ? C’est à partir de ces catégories qu’il était possible de trouver des parallèles, des points communs entre les voyages, en dépit de leurs divergences. Ces parallèles permettent d’identifier un message clair traversant la diversité des cartes : la répression, la violence et la production de la frontière à tout moment et partout, ne cessent jamais. Les voyages sont restreints, réprimés et réalisés dans un contexte de violence.

Mais l’apport principal des cartes mentales filmées est leur capacité à transmettre le caractère complexe et dynamique des voyages : Représentations graphiques et récits montrent et expliquent les décisions des acteurs, même quand elles sont très contraintes et limitées. Ils permettent de comprendre que le voyage n’est pas seulement une expérience traumatique où règnent peur, violence, difficultés et tristesse. Il est en même temps vécu de manière positive, il comporte de beaux moments, de la joie, des situations drôles et du partage. Il est motivé et soutenu par le désir de se réaliser, d’élargir l’horizon ou de gagner une certaine reconnaissance de la part des proches.

Nous pouvons donc dire que les cartes mentales et les récits qui leur sont associés permettent d’illustrer les dimensions sensibles et émotionnelles des parcours. Cette méthode donne à voir à la fois des situations de violences, qui traduisent des dynamiques globales et politiques, et un aspect non-victimaire des migrants transcrit dans les expériences de ces parcours : aventures, rencontres, lien social, émotion, amitié. Les cartes permettent donc d’inscrire l’échelle individuelle dans un contexte global. Elles peuvent acquérir une valeur au-delà du monde académique, car en les comparant aux cartes officielles, ou aux travaux cartographiques plus amples se basant sur des données quantitatives, elles permettent de déconstruire certaines idées reçues sur le phénomène migratoire.

Enfin, les cartes mentales s’avèrent être une méthode souple, qui non seulement permet de révéler la diversité des voyages mais qui admet et autorise les contradictions. C’est cette souplesse, se réajustant à chaque personne, à chaque récit, à chaque vécu, qui a permis d’étudier un phénomène aussi complexe qu’un voyage migratoire et de comprendre l’être humain qu’est « le migrant ». Ce travail a pour vocation de porter une analyse proche de l’expérience des individus, une expérience nuancée, sans être misérabiliste et sans être idéaliste, avec l’ambition de rendre la dignité et les subjectivités des personnes interviewées.

Notes de fin

[1] L’expression « Vers le nord » permet de visibiliser le caractère souple et dynamique des voyages migratoires, puisque tous les migrants n’aspirent pas à aller aux États-Unis. Beaucoup s’installent au Mexique ou y demandent l’asile. Par ailleurs, leurs voyages ne sont guère linéaires (Faret, 2017) mais se caractérisent plutôt par des mouvements en zigzag.

[2] Traduction : Réseau de documentation des organisations défenseures des migrants https://redodem.org/

[3] Sont appelés ainsi les centres d’accueil pour migrants et bénéficiaires de la protection internationale au Mexique.

[4] Afin d’éviter toute confusion entre les personnes enquêtées et le reste de la population migrante que j’ai rencontré, je n’utilise pas le langage inclusif dans cet article.

[5]Voir l’exposition de Bouchra Khalili The mapping journey : https://www.moma.org/calendar/exhibitions/1627 ou https://www.youtube.com/watch?v=u_QxXnh23kE par exemple

[6] Dans l’ordre : passeur ; passer la frontière étatsunienne avec l’aide d’un cartel de drogue (passer de la drogue à l’autre côté) ; la « migración », c’est-à-dire la police aux frontières ; nom donné au train ; membre d’une « mara », bande criminelle en Amérique centrale.

[7] Dans le sens de construction sociale.

[8] Face à ces représentations « en décalage » avec la réalité (Bacon et al., 2016 : 187), les membres du réseau Migreurop publient régulièrement un Atlas des Migrations en Europe (Atlas des migrations dans le monde, 2022) pour déconstruire les idées reçues sur les phénomènes migratoires.

[9] Toutes les traductions ont été faites par moi-même

[10] Traverser la frontière étatsunienne

[11] Bandes criminelles à caractère transnational opérant à l’échelle continentale (entre les États-Unis, le Mexique et l’Amérique Centrale)

[12] Ce sont des groupes de migrants réunissant des milliers de personnes qui se rassemblent dans leurs pays d’origine afin de réaliser la traversée du Mexique ensemble.  Ce phénomène a commencé à se développer en 2018 (Varela-Huerta et al., 2022) dans un contexte de politique anti-immigration de Trump et de courte ouverture des politiques migratoires mexicaines avec le nouveau président mexicain Andrés Manuel López Obrador durant laquelle des « Cartes de séjour temporaire pour raisons humanitaires » ont été délivrées à un grand nombre de Centraméricains. Les caravanes telles qu’elles existent depuis octobre 2018, se distinguent des autres « Caravanes » connues au Mexique, notamment de la caravane Viacrucis del migrante et de celle des mères de migrants disparus qui ont lieu chaque année,  par leur grand nombre de participants, mais aussi par « la rapidité et l’autogestion avec lesquelles elles se sont organisées, le grand nombre de familles et de femmes seules avec enfants qui viennent dans la caravane, mais surtout [par] l’abandon de la clandestinité et de l’invisibilité et la détermination de se manifester pour emprunter des chemins et des autoroutes revendiquant leur droit à un transit libre et sûr sur le territoire mexicain » (Montes 2018 : 1). Le phénomène des caravanes existe jusqu’à aujourd’hui.

[13] Organisme administratif dépendant du Secrétariat à l’Intérieur (équivalent au ministère de l’Intérieur) dont la mission est de veiller et d’assurer l’application des politiques migratoires en vigueur (Instituto Nacional de Migración)

[14] Comme il s'agit d'un train de marchandises, les personnes montent « sur » le train et non « dans » le train.

 

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Pour citer cet article

Johanna Exenberger, « Le voyage migratoire à travers des cartes mentales : une enquête auprès des Centraméricains au Mexique », RITA, [en ligne], n°16 : 2023, mis en ligne le 1er avril 2024. Disponible en ligne http://www.revue-rita.com/articles-16/le-parcours-migratoire-a-travers-les-cartes-mentales-une-enquete-aupres-des-centramericains-au-mexique-johanna-exenberger.html