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De la parcelle à l’archipel : mobilité paysanne et construction territoriale dans les Andes équatoriennes

En Equateur, l’émigration internationale des paysans andins constitue actuellement la dynamique la plus importante à l’origine des recompositions territoriales en milieu rural. Si cette émigration est en grande partie responsable de la diminution de la main-d’œuvre, elle entraîne en retour des changements profonds aussi bien au niveau paysager que socioéconomique.

... De fait, l’émigration internationale apparaît comme la forme contemporaine de la pratique paysanne de la mobilité, et ainsi, elle participe à l’intégration toujours plus évidente des localités andines dans la mondialisation. Ce texte propose un point de vue géographique sur le thème de la glocalité, en examinant le lien entre la dynamique migratoire actuelle et les transformations territoriales dans les Andes équatoriennes, à partir du cas de la paroisse de Juncal située dans la province du Cañar.

 

Mots clés : Andes équatoriennes ; Paysannerie ; Migration ; Mondialisation ; Territoire.

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Nasser Rebaï

Doctorant
Université Paris I Panthéon-Sorbonne
UMR PRODIG 8586

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« De la parcelle à l’archipel : mobilité paysanne et construction territoriale dans les Andes équatoriennes »

 

 

 

Introduction

Depuis près de dix ans, de très nombreux paysans des Andes équatoriennes émigrent à l’étranger alors que l’activité agricole dans leurs régions d’origine ne leur permet plus de survivre. A Juncal, dans la province du Cañar, on estime de nos jours que près de 70% des individus âgés entre 20 et 40 ans ont quitté le pays (Vaillant 2008, 240). Si l’émigration entraîne des mutations logiques au sein des communautés paysannes andines, dans quelle mesure participe-t-elle à une transformation profonde des territoires ruraux ?

La notion de territoire relève de l’appropriation d’un espace par un groupe social, dont l’organisation est faite de rapports de hiérarchie, de conflits et de complémentarités, et qui se distingue par des pratiques culturelles originales. En ce sens, le territoire[1]est multidimensionnel et peut se définir par l’imbrication de trois espaces complémentaires, l’espace géographique, l’espace social et l’espace culturel.

Or, suivant ce cadre conceptuel, un problème se pose à nous. Si, comme le signalait G. Cortes, la notion de territoire « suppose a priori la stabilité, c’est-à-dire la permanence d’une population sur la terre qu’elle contrôle, préserve et à laquelle elle s’identifie » (1999, 259), comment étudier le territoire de Juncal alors que cette localité subit depuis plusieurs années une forte émigration ? Pouvons-nous, de nouveau comme G. Cortes, considérer la migration comme « un possible instrument d’identification territoriale » (ibid.), ou au contraire, faut-il y voir le signe d’une perte de dynamisme, aussi bien d’un point de vue économique que culturel ? Pour en juger, il faut que nous situions préalablement notre cadre d’étude et que nous revenions aux origines de l’émigration paysanne à Juncal.

Juncal, dont la population était de 2339 habitants en 2001 (Institut National de Statistiques et de Recensements – INEC)[2], est une petite paroisse[3] située à environ 3000 mètres d’altitude dans la province andine du Cañar. Historiquement, et malgré de nombreuses contraintes physiques (des sols aux faibles potentiels dont l’accessibilité est limitée par un relief difficile fait de pentes et de quebradas[4], des phénomènes d’érosion qui réduisent progressivement les surfaces cultivables, un climat difficile où les variabilités de températures et de précipitions sont fréquentes), l’agriculture constitue depuis longtemps la base socioéconomique de la zone. Les familles ont su s’adapter aux conditions du milieu en procédant à la diversification et à la dispersion d’espèces végétales et animales sur trois étages écologiques dont les caractéristiques climatiques et pédologiques varient en fonction du gradient altitudinal. Faisant le choix de systèmes de production écologiquement diversifiés, les paysans de Juncal ont ainsi pu se prémunir un tant soit peu du risque de perte agricole.

 

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Carte n°1 : Localisation de Juncal.

La paroisse de Juncal se situe dans la partie australe des Andes équatoriennes, l’une des trois macro-régions du pays avec la Costa (la côte) à l’est, et l’Oriente (la plaine amazonienne) à l’ouest.

 

Pour autant, l’agriculture familiale de la zone n’a jamais vraiment participé au ravitaillement des villes du pays. Isolée, la paroisse de Juncal se situe dans un « sous-espace de la périphérie passive » (Deler 2007, 228) de l’espace national : « qualifiés facilement de « traditionnels », d’ « arriérés » ou de « marginaux » , ces sous-espaces sont les plus éloignés de l’espace urbain central, du triple point de vue de la distance physique ou de l’accessibilité, de la distance socioéconomique (types de production et de consommation) et de la distance culturelle » (ibid.). En revanche, depuis près de cinquante ans, la mobilité paysanne a permis le désenclavement progressif de la localité, en suivant différentes étapes qui ont tour à tour conditionné la transformation du territoire. A travers cet article, nous proposons une lecture historique de l’évolution du territoire de Juncal en prenant comme repères les changements structurels successifs qui ont orienté la mobilité des individus, depuis les migrations temporaires sur la côte au lendemain de la Réforme Agraire, jusqu’à la crise des années 2000 et l’essor de l’émigration internationale.

Pour connaître l’évolution du territoire de Juncal, nous avons dû associer deux outils de travail. En premier lieu, il nous a fallu réaliser une lecture de paysage pour distinguer les traits majeurs et tenter de comprendre l’évolution des dynamiques agraires au cours des dernières décennies[5]. Pour cela, nous avons donc réalisé 43 entretiens pour saisir les logiques paysannes au niveau familial et au niveau paroissial. Cette deuxième étape n’a pas été la plus facile. Il nous a fallu rencontrer des gens ouverts et susceptibles de nous raconter l’histoire de la zone avec tous les éléments qui, selon eux, étaient à l’origine de transformations territoriales. Nous nous sommes tournés ainsi plus largement vers les anciens, ceux qui, par leur âge, avaient vécu tous les grands changements de la paroisse. Nous nous sommes donc entretenus avec plusieurs individus qui avaient vécu l’époque des haciendas et qui ont pu nous conté l’évolution des pratiques paysannes au cours des dernières décennies. Progressivement, nous sommes parvenus à comprendreles changements progressifs dans l’organisation du travail agricole et dans l’utilisation de la terre en fonction des logiques familiales et surtout en fonction de la migration. Par la suite, nous avons décidé d’élargir notre panel d’entretiens pour confronter les avis et les points de vue. Nous avons ainsi conversé avec davantage de femmes seules, laissées par des maris émigrés, ce qui nous a permis de mettre en lumière les nouvelles contraintes de l’agriculture familiale dues au manque de main-d’œuvre. En définitive, nos entretiens nous ont permis de saisir les moments clés de transformation du territoire de Juncal, à travers des trajectoires personnelles. Suivant cette logique, nous nous sommes d’abord consacrés aux témoignages qui concernaient le temps des haciendas, époque révolue de l’immobilisme et de l’oppression indigène, puis nous nous sommes intéressés aux parcours des individus pour en comprendre les effets sur l’évolution du territoire local depuis près de cinquante ans.

Cet article propose donc une lecture historique des mutations territoriales à Juncal, en insistant plus spécifiquement sur les changements au sein de chacun des trois espaces précédemment cités. Ainsi, nous observerons comment lors des dernières décennies les changements structurels (Réforme Agraire, ouverture libérale, dollarisation) ont influencé les stratégies paysannes qui, à leur tour, ont participé à l’évolution des sphères géographique, sociale et culturelle locales.

 

I. Système hacendado : le  carcan territorial

Alors que depuis la période coloniale les haciendas dominaient l’ensemble de l’espace rural latino-américain, en Equateur, leur pouvoir prit une autre ampleur à partir de 1831 lorsque Juan José Flores, premier président de la république nouvellement constituée (1830), officialisa le système de concertaje qui plaçait définitivement les familles indigènes sous leur contrôle (Ayala Mora 2005). En ayant le monopole de la terre et en s’appuyant sur une main-d’œuvre massive et servile, les grandes familles de propriétaires purent ainsi produire en grandes quantités des denrées qui allaient être vendues par la suite dans les villes du pays.

 

A. La domination spatiale des haciendas

Dans la province du Cañar, on estime qu’en 1836 environ 85% des terres étaient occupées par des haciendas (Palomeque 1990, 125). A Juncal, leur domination dura plus d’un siècle, malgré la création en 1956 de la Communauté libre[6] Bunchalay Capilla Pata[7] au sein de laquelle quelques familles étaient regroupées face aux haciendas et travaillaient sur de minuscules parcelles dont elles étaient propriétaires. En revanche, la grande majorité de la population indigène vivait à l’intérieur des haciendas et était affectée à de rudes travaux agricoles. Le paysage mettait alors en évidence une forte inégalité foncière, symbole de l’opposition entre la communauté paysanne et les haciendas. Le minifundisme des paysans libres se concentrait au-dessous de 3200 mètres d’altitude alors que les haciendas occupaient l’immense majorité de l’espace agricole jusqu’à 4200 mètres, contrôlant de fait les páramos[8] et l’ensemble des ressources en eau de la zone. Celles-ci firent construire par les indigènes un important réseau de canaux d’irrigation auquel elles avaient accès en priorité. Ainsi, elles purent développer l’élevage et s’assurer des revenus importants par la vente de lait sur les marchés urbains.

Les haciendas dominaient ainsi l’espace géographique de l’époque en s’accaparant l’ensemble des ressources naturelles (Chonchol 1995). Pour cela, elles imposaient une organisation sociale rigide.


B. Une société pyramidale

Depuis la mise en place du système de concertaje en 1831, les travailleurs indigènes appelés huasipungueros vivaient en permanence dans les haciendas et étaient tenus d’exécuter toute une série de travaux, qui allaient des tâches agricoles à l’entretien des canaux d’irrigation, et contre quoi ils pouvaient cultiver un lopin de terre pour assurer leur subsistance. En parallèle, les paysans de la communauté libre devaient fournir deux jours de travail hebdomadaires aux haciendas pour bénéficier de l’accès à l’eau. Par conséquent, ils étaient eux aussi réduits à l’état de dominés et étaient appelés huasicamas.

L’espace social de l’époque prenait donc une forme pyramidale. Tout en bas de la société locale se trouvaient les familles indigènes de huasipungueros et de huasicamas qui dépendaient des haciendas. Ensuite, en guise de pallier intermédiaire, les contremaîtres ou mayordomos, qui étaient le plus souvent métis, servaient de lien entre les indigènes et l’hacendado. Ils devaient faire exécuter les ordres et veillaient au bon déroulement du travail. Enfin, tout en haut, venait l’hacendado, souvent absent du fait de ses affaires en ville. La répartition des salaires était bien entendu inégale: les huasipungueros gagnaient un sucre par jour tandis que les mayordomos en recevaient vingt.

Les haciendas établirent ainsi un rapport social de production fondé sur l’exploitation de la main-d’œuvre indigène qui leur permit de structurer de manière dominante l’espace physique et social de Juncal. C’est davantage au niveau de l’espace culturelque l’opposition entre indigènes et hacendados semblait moins asymétrique.

 

C. Resistance indigène

Bien que socialement soumis au sein des haciendas, les groupes indigènes de Juncal demeuraient unis par le fait qu’ils s’exprimaient en langue quechua. Comme a pu le signaler J. Bonnemaison, « quoi de plus culturel, de plus synthétique, de plus construit et de plus symbolique qu’une langue ? » (2004, 69). Le quechua était en effet le ciment de l’identité indigène, alors que l’espagnol symbolisait le pouvoir hacendado. Il servait de moyen de résistance pacifique dans le contexte de l’époque et permettait de véhiculer la vision du monde indigène en rupture avec la domination purement économique des haciendas. L’espace culturelde Juncal était ainsi dual.

D’abord, pour les familles des haciendas, Juncal n’était pas le lieu de vie quotidienne. Celles-ci vivaient en ville, le plus souvent à Cuenca à environ 80 kilomètres. Pour elles, Juncal ne représentait qu’une facette du prestige familial, puisque le fait de posséder des terres et d’en tirer des richesses assurait la renommée du groupe dans la société urbaine. Leur présence dans leurs propriétés était donc rare : elles n’y venaient en vacances que quelques semaines par an.

A l’inverse, pour les indigènes, Juncal était le lieu de vie quotidienne puisqu’ils étaient liés aux haciendas, mais c’était surtout leur lieu d’appartenance culturelle : tous y étaient nés et avaient leurs parents qui y avaient vécu. L’héritage d’un ensemble de codes et de pratiques culturels les maintenaient unis et les distinguaient de l’oligarchie blanche plus en lien avec le mode de vie citadin. La diffusion orale en langue quechua des pratiques agricoles ancestrales, des chants et des légendes, ainsi que du savoir-faire artisanal pour la confection de vêtements, d’outils et d’instruments de musique assura pour les années qui suivirent le maintien de la culture indigène à Juncal. Aussi, et c’est peut-être le plus important, la langue quechua, en tant qu’élément unificateur, permit aux groupes indigènes de se mobiliser pour lutter et retrouver leurs terres spoliées par les colons espagnols.

Ainsi, pendant longtemps, le territoire de Juncal demeura enclavé. Le système hacendado, par son mode de production économique et social, parvint à maintenir des barrières invisibles qui empêchèrent Juncal de communiquer avec le reste du monde. Longtemps, les populations indigènes de la zone n’eurent pour seul horizon que les vastes haciendas dans lesquelles elles étaient exploitées. Plus tard, la première loi de Réforme Agraire permit de faire sauter le carcan hacendado et impulsa une nouvelle dynamique territoriale locale.

 

II. Migrations temporaires et ouverture territoriale

A partir de 1964, le processus de Réforme Agraire conduisit à une profonde transformation de l’organisation socioéconomique à Juncal, dont le symbole fut l’émergence d’une classe de néo-paysans : pour la première fois, les indigènes de la zone devinrent propriétaires de la terre qu’ils travaillaient. Les ex-huasipungueros reçurent les parcelles qu’ils cultivaient en usufruit du temps de l’hacienda et purent dorénavant acquérir plus de terres, tout comme les anciens huasicamas, puisque la libéralisation du marché foncier leur en donnait le droit. En parallèle, la gestion des páramos et des ressources en eau revint à la Communauté paysanne qui fit son retour à la tête du pouvoir local. Pour parvenir à un partage équitable de l’eau, elle organisa des travaux collectifs, les mingas, pour la construction de canaux d’irrigation à l’usage de l’ensemble des familles de la zone. L’utilisation de l’eau fut planifiée de manière à ce que chaque famille puisse en bénéficier à tour de rôle, en fonction des ressources disponibles suivant les saisons.

 

A. Une structure agraire morcelée

L’avènement de la Réforme Agraire à Juncal conduisit à une profonde transformation de la structure foncière, et donc à une évolution de l’espace géographique. Désormais, le paysage agraire révélait une structure morcelée, composée d’une multitude de petites parcelles appartenant aux familles paysannes de la zone. Durant les années qui suivirent, ce processus de morcellement se prolongea au rythme des divisions par héritage et des acquisitions individuelles, grâce à l’argent gagné à l’extérieur de la zone. En effet, outre le fait que la Réforme Agraire redéfinit la propriété de la terre, elle permit aussi la libéralisation de la main-d’œuvre. Les populations andines devinrent de plus en plus mobiles, ce qui entraîna une augmentation des transferts démographiques interrégionaux, le plus souvent au profit des provinces de la Costa (Deler 1981; Delaunay 1991). De leur côté, les paysans de Juncal purent circuler d’autant plus facilement lorsque fut construite la route Panaméricaine à la fin des années 1960[9]. Cette nouvelle voie de circulation symbolisa le désenclavement physique de Juncal. Dès lors, beaucoup de paysans saisirent l’occasion de sortir temporairement de la zone pour aller vendre leur force de travail dans diverses régions du pays, en particulier vers la côte, région dynamique de l’agriculture d’exportation[10]. Ainsi, ils intégrèrent le système capitaliste mondial et prirent place dans une autre organisation sociale. A partir de cette époque, ils devinrent ponctuellement des ouvriers placés sous les ordres d’un patron qui les rémunérait en fonction de leur rendement et de la qualité de leur travail. S’agissant d’un autre rapport social de production après celui de l’hacienda, ils obtenaient cependant des revenus qui leurs permettaient de couvrir les dépenses domestiques et agricoles. Les migrations temporaires avaient lieu lors des baisses de travail à Juncal, de manière à profiter des opportunités économiques extérieures sans toutefois mettre en péril l’activité de subsistance et sans manquer aux devoirs collectifs, c’est-à-dire sans manquer les mingas. Mais avec le temps, ces migrations saisonnières devinrent de véritables stratégies de capitalisation qui permirent aux familles d’acheter progressivement de nouvelles terres (Rebaï, 2008). En conséquence, la structure agraire de Juncal évolua toute la période durant laquelle les paysans de la zone partirent travailler dans les grandes exploitations capitalistes de la côte, c’est-à-dire jusque dans les années 1990.

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Carte n°2 : Migrations temporaires des paysans de Juncal (1964 – 1999).

Pendant quarante ans, les paysans de Juncal ont régulièrement migré vers la Costa pour profiter des offres d’emplois saisonniers dans les grandes plantations bananières ou cacaoyères, cumulant des revenus qui leur permirent d’améliorer leurs conditions de vies dans leur localité d’origine.

 

B. De l’importance du collectif

Dès lors, l’espace social de Juncal s’élargit, puisque désormais les paysans occupaient alternativement plusieurs fonctions. En premier lieu, il y avait celles de la paroisse où ils étaient chefs de familles et chefs d’exploitations. Là, ils avaient en main le destin des leurs et commandaient les travaux agricoles. D’un autre côté, lorsqu’ils travaillaient dans les grandes plantations de la côte, ils étaient des  paysans-ouvriers  et intégraient une toute autre forme de hiérarchie sociale, celle de l’entreprise, dont ils formaient la base. Dans ce contexte, la priorité était tout de même donnée aux activités qui avaient lieu à Juncal. Le retour systématique des paysans dans leur localité participait au maintien des règles communautaires de réciprocité et de solidarité et, de fait, au maintien des relations d’interdépendance entre toutes les familles. Les échanges de travail (pour les travaux agricoles ou la construction des maisons) étaient fréquents et le partage des récoltes avait lieu lors des mauvaises saisons. Par ailleurs, ces mêmes relations de solidarité communautaire se maintenaient à l’extérieur même de la zone. Aux moments de trouver des emplois temporaires sur la côte, les derniers arrivés pouvaient compter sur ceux déjà présents depuis plusieurs jours pour qu’ils leurs indiquent chez quels patrons trouver du travail. Selon ce même principe, ceux qui parvinrent, d’une saison à l’autre, à garder leur place dans la même exploitation purent introduire leurs frères, leurs cousins et leurs amis originaires de Juncal.

 

C. Territoire réticulaire et échanges interrégionaux

Les migrations temporaires des paysans de Juncal prolongèrent ainsi la « tradition ancienne du déplacement des populations entre les hautes terres andines et les zones littorales » (Deler 1981, 139), en place depuis le début de la période coloniale et les itinéraires muletiers entre Quito et Guayaquil. La mobilité des individus participa à la construction d’un territoire réticulaire, et peu à peu, les paysans de Juncal changèrent leurs modes de consommation, d’indentification et de communication. Ainsi, l’espace culturelde Juncal évolua.

Durant les passages, même brefs, dans les grandes villes côtières comme Guayaquil, l’argent gagné grâce aux emplois temporaires permit aux paysans d’avoir accès à de nouveaux produits alimentaires comme le riz, la banane et les autres denrées tropicales qui progressivement entrèrent dans les foyers andins. Les codes vestimentaires évoluèrent eux aussi : les hommes se mirent à porter des pantalons et des blousons de fabrication industrielle, et une large majorité de la population se mit à porter des chaussures correspondant davantage au style citadin. Au niveau du langage, l’espagnol prit plus d’importance car les hommes, habitués à migrer dès l’âge de douze ans, se mirent à l’employer davantage du fait de leurs migrations régulières. Enfin, concernant l’agriculture, l’entrée progressive des intrants chimiques bouscula les pratiques agricoles héritées du passé.

Pour autant, plus qu’un changement radical, il s’agit d’un syncrétisme entre les modes de vie paysan et urbain, et bon nombre de pratiques anciennes demeurèrent présentes dans la vie quotidienne. Les femmes continuaient de confectionner les habits plus typiquement andins comme les ponchos ou les fajas (ceintures tissées) ainsi que toutes sortes de tapis et de tissages décoratifs. Pour l’alimentation, les produits cultivés comme le maïs ou la pomme de terre continuèrent d’être davantage utilisés, et le cuye (cochon d’Inde), symbole de la cuisine andine, était toujours autant consommé lors des fêtes paysannes. Le quechua continuait d’être employé par une grande partie de la population et permettait par exemple de diffuser la connaissance des plantes et de leurs bienfaits thérapeutiques. En ce qui concerne les maisons, le monde extérieur n’avait là aussi presque aucune influence puisqu’elles étaient toujours construites avec des matériaux de la zone comme le bois et le pisé.

La mobilité des individus joua donc un rôle décisif dans le processus de transformation territorial à Juncal. Bien que la structure communautaire maintienne une certaine influence sur l’ordre social local, les liens étroits que se mirent à entretenir les individus avec les milieux urbains, et plus largement avec le système capitaliste, participaient à la transformation de la paysannerie. Progressivement, les stratégies individuelles prirent le pas sur la conscience collective, et davantage encore lorsque l’émigration internationale prit son essor.

 

III. Genèse et dynamiques d’un « territoire en archipel[11] »

A partir du début des années 1980, l’économie équatorienne subit un net ralentissement à cause de la chute du prix du pétrole[12] qui laissa l’Etat sans marge de manœuvre pour endiguer l’endettement national. Après « l’euphorie pétrolière » (Acosta 2001, 137) qui permit de mener dans les années 1970 une ambitieuse politique d’industrialisation par substitution aux importations, l’Equateur connut les ajustements structurels du Processus de Washington sous l’influence du Fond Monétaire International (FMI). Les politiques libérales des divers gouvernements entre les années 1980 et 1990 conduisirent à la privatisation de plusieurs secteurs de l’économie nationale comme le pétrole et l’agriculture. Progressivement, les services d’encadrement de l’Etat se réduisirent et les productions paysannes chutèrent face à l’augmentation des importations. Enfin, la loi de Développement Agraire de 1994 fragilisa encore plus la paysannerie avec la dérégulation de la distribution des intrants agricoles.

 

A. Crise de la paysannerie

Dans ce contexte, et malgré les migrations temporaires, les paysans de Juncal vécurent une lente dégradation de leurs conditions de vie. L’ouverture libérale affecta l’activité agricole qui était déjà fort limitée. Jusqu’en 2001, la densité de la population n’avait cessé d’augmenter[13], réduisant ainsi les disponibilités en terre. Au niveau de la province du Cañar, 55,3% des familles paysannes disposaient de moins de 2 hectares (INEC – Recensement agraire, 2001) et vivaient alors dans un espace agricole « saturé » (Deler 1993, 276). Les familles de la zone privilégiaient donc des systèmes de production intensifs en travail, mais malgré cela, les rendements demeuraient faibles.

La situation devint réellement dramatique au moment de la dollarisation de l’économie nationale en 2000[14], qui provoqua l’augmentation brutale des dépenses agricoles et domestiques. Les emplois urbains n’étant plus suffisants pour couvrir les besoins familiaux, l’émigration internationale devint rapidement l’unique alternative pour la survie des paysans, même si cette stratégie comporte une grande part de risque.

Ne pouvant bénéficier de visas de travail pour les Etats-Unis ou l’Europe, le parcours des migrants relève avant tout de l’illégalité. Le recours à des réseaux de passeurs, ou coyotes, est donc systématique. Pour réunir les 12000 dollars nécessaires à leur départ, les paysans hypothèquent une partie de leurs terres (directement auprès des coyotes, ce qui revient à mettre en jeu le patrimoine familial) et suivent ensuite une route qui les conduit au Guatemala, puis au Mexique, avant de traverser clandestinement la frontière étatsunienne. Arrivés dans les grandes métropoles nord-américaines, ils trouvent un travail et un logement grâce à leurs contacts, et après plusieurs mois passés comme ouvriers ou comme plongeurs dans des restaurants, ils parviennent à lever l’hypothèque de leurs terres et envoient les premiers mandats à leurs familles.

 

B. Un paysage flambant neuf

En conséquence de cette émigration, l’espace géographique de Juncal subit de grandes transformations. D’abord, la diminution de la main-d’œuvre contraint les familles à privilégier des cultures moins exigeantes en travail, comme les céréales, et à développer toujours plus l’élevage bovin pour la vente de lait. Les changements dans les pratiques agricoles participent aux transformations du paysage agraire Et désormais, la majorité des terres situées au-delà de 3200 mètres d’altitude est laissée en pâturage. Ensuite, l’apparition de nouvelles maisons en dur montre que de nombreuses familles de la zone reçoivent régulièrement de l’argent en provenance de l’étranger. Enfin, la multitude de petits commerces en tous genres (alimentation, quincaillerie, taxiphones, etc.), de camionnettes, de tracteurs et de minibus indique une nouvelle orientation de l’économie locale, toujours grâce à l’argent de la migration. Néanmoins, il semble que toutes ces nouvelles activités ne soient pas rentables, compte tenu du manque de besoins réels dans la zone, ce qui montre en un sens que l’émigration ne peut pas à elle seule constituer une voie de développement pour une localité comme Juncal.

 

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Photo n°1 : Pâturages et élevage à Juncal.

L’élevage ou l’activité refuge pour les familles paysannes de Juncal. (Nasser Rebaï, 2008).

 

C. Un espace social divisé

Si d’un point de vue concret la dynamique migratoire entraîne des changements au niveau local, elle participe à la redéfinition des relations entre les membres de la communauté et au sein même des familles. Auparavant, avec les migrations temporaires, nous pouvions parler d’élargissement de l’espace socialpuisque le retour des paysans était programmé après quelques mois passés à travailler à l’extérieur. Aujourd’hui, l’émigration internationale est durable et le retour de l’individu est reporté à plusieurs années. De fait, l’espace social de Juncal est à présent divisé.

A l’étranger, l’individu entre dans une nouvelle sphère sociale : il est sous les ordres d’un patron dans une entreprise donnée, il partage son appartement avec d’autres individus qui ne sont pas forcément de son entourage proche et il n’entretient quasiment pas de relation avec les autres migrants originaires de Juncal. Avec sa famille, l’émigré entretient un rapport virtuel (téléphone, internet, etc.) et se contente d’envoyer de l’argent plus ou moins régulièrement. Avec le reste de la communauté, les relations sont paradoxales : du fait de son absence, il est en rupture avec elle, mais en payant un ouvrier pour le remplacer dans les mingas, il maintient virtuellement sa présence et permet à sa famille de toujours bénéficier des droits communautaires, dont l’accès à l’eau.

A Juncal, du fait de la diminution de la main-d’œuvre, les échanges de travail sont désormais monétarisés et les principes de réciprocité et de solidarité reculent peu à peu[15]. Les familles marchandent plus fréquemment leur force de travail pour que le temps passé sur les parcelles voisines soit rentabilisé[16]. Ainsi, dans le contexte actuel, et que ce soit depuis les multiples espaces de migration ou à l’intérieur même de la paroisse de Juncal, l’intérêt individuel a pris le pas sur la conscience collective.

 

D. Culture gringa

Avec « l’hémorragie démographique » (Rebaï 2008, 116) que subit actuellement Juncal, l’espace culturel de ce territoire évolue lui aussi. J. Bonnemaison fait remarquer que « toute culture, communique avec les autres, même à un degré très faible » (2004, 69). Or, l’émigration des paysans de Juncal crée le contact entre les cultures occidentale et andine, d’où l’importation d’un modèle de consommation venu de l’extérieur. Par exemple, l’apparition de maisons en dur ne tranche peut-être pas avec les habitudes quotidiennes, mais elle révèle néanmoins une nette démarcation par rapport à un mode de vie pittoresque. Désormais, les habitations sont construites avec des matériaux industriels (ciments, briques, etc.) et peintes de couleurs criardes qui bouleversent le paysage rural. L’architecture standardisée de ces nouvelles maisons ne fournit presque aucun travail pour les vieux artisans de la zone qui regrettent l’utilisation du bois, dorénavant remplacé par l’acier et l’aluminium. Cependant, les rares hommes vivant toujours à Juncal parviennent à tirer profit de cette dynamique immobilière en s’improvisant maçons quelques semaines dans l’année, de quoi augmenter leurs revenus. Les nouvelles habitations sont le symbole d’une certaine réussite sociale, bien que paradoxalement, elles restent rarement décorées à l’intérieur et possèdent un mobilier très réduit, comme dans les anciennes maisons en torchis. Cela signifie que ces nouvelles constructions ne sont que des façades ou des coquilles vides, et qu’à l’intérieur, l’espace domestique est plus typiquement andin, même si les éléments traditionnels de décoration sont de plus en plus rares compte tenu du fait que les jeunes générations n’apprennent plus à tisser, ni à broder.

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Photo n°2 : Le nouvel habitat  à Juncal.

Les nouvelles maisons sont de plus en plus nombreuses à Juncal. Grandes, spacieuses et très colorées, elles créent un vrai contraste avec les anciennes constructions en torchis (Nasser Rebaï, 2007).

 

Ce qui motive aujourd’hui les jeunes de Juncal est la perspective d’émigrer. Beaucoup d’entre eux ne vont au collège que pour suivre les cours d’anglais et ne parlent que quelques mots de quechua. L’idée de partir travailler aux Etats-Unis, souvent pour rejoindre leurs pères ou leurs frères, correspond à l’envie d’accéder à tous les biens de consommation modernes qu’ils découvrent quotidiennement en regardant la télévision achetée grâce l’argent de la migration. La musique et le cinéma américains ont à présent remplacé les contes et les chants populaires, alors que les jeans et les baskets sont aujourd’hui les uniques vêtements qu’ils osent porter, avec l’indispensable casquette qui a désormais remplacé le cañarejo,le chapeau cañari,fabriqué avec de la laine de mouton. Quand ils migreront, ils décideront de couper la natte qui les distinguait des citadins ou des habitants de la côte (si ce n’est pas déjà fait), pour éviter d’être reconnu, et pour entrer de plain-pied dans le monde occidental.

E. Dispersion familiale et « territoire en archipel »

Si l’on constate qu’au niveau local l’émigration paysanne a de nombreuses conséquences, à plus petite échelle, la dispersion des individus donne naissance à une nouvelle forme de territoire. L. Faret montre par exemple qu’il existe une large terminologie pour caractériser ce qu’il choisit de nommer « communautés transnationales » (2003, 255). Il constate avec l’émigration mexicaine aux Etats-Unis que des individus peuvent agir à distance, individuellement ou collectivement, pour transformer leur région d’origine. Dans le cas de Juncal, nous préférons parler de « territoire en archipel » car il s’agit de l’expression la plus pertinente pour décrire géographiquement l’interaction d’acteurs sur un même espace, alors qu’ils sont distants de milliers de kilomètres. Le terme archipel définit « un ensemble de lieux formant système mais séparés les uns des autres dans l’étendue » (Brunet 1993, 43), mais « l’étendue » ou la distance n’entrave en rien la construction territoriale. En effet, « la discontinuité des lieux n’est pas un facteur limitant de processus de territorialisation, elle serait plutôt la base d’une forme différente de ce processus, complexifiée parce que les rapports à l’espace de différents groupes se trouvent être eux-mêmes de plus en plus complexes » (Faret 2003, 283). Par conséquent, lorsqu’un individu originaire de Juncal travaille à New-York et envoie de l’argent à sa famille pour que celle-ci puisse construire une maison ou acheter de la terre, la stratégie familiale prend forme dans un cadre territorial original, et elle à un véritable impact sur l’espace géographiquelocal. Dès lors, nous pouvons dire que la ruralité ne se vit plus au niveau local mais bien à l’échelle globale, et que ce sont dorénavant les différents espaces de migration, ou îlots, qui constituent le cœur de l’économie familiale de Juncal.

 

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Graphique 1. Le « territoire en archipel » des familles de Juncal.

Entre Juncal, New York et Madrid… Les membres des familles paysannes, désormais éclatées, interagissent à distance pour transformer leur lieu d’origine.

 

 

Conclusion

La trajectoire des paysans de Juncal lors des dernières décennies indique qu’ils se sont progressivement adaptés aux conditions du système capitaliste mondial grâce à leur mobilité. De nos jours, la généralisation de l’émigration internationale relègue les dynamiques communautaires au second plan, tandis que les stratégies individuelles ont pour but de servir l’intérêt familial. Sans nul doute, l’émigration participe à l’amélioration des conditions de vie matérielles des foyers paysans, mais celle-ci ne compense certainement pas les drames affectifs provoqués par la déstructuration des familles. Le mouvement continu dans lequel sont inscrits les paysans de Juncal depuis cinquante ans participe à la redéfinition de leur territoire, aussi bien du point de vue des pratiques agricoles que culturelles, avec néanmoins une tendance à la disparition progressive de pratiques anciennes, comme les mingas, la langue quechua ou encore l’artisanat. Sans pour autant parler d’une « fin des paysans » (Mendras 1967), il est cependant important de s’interroger sur le futur des localités andines comme Juncal. Il n’y a aujourd’hui aucun doute que lors du prochain recensement national, celles-ci auront perdu en population, et qu’à l’avenir, leurs taux de natalité baisseront inéluctablement. Même si dans certains cas, les achats de terre ou la construction de nouvelles maisons indiquent la permanence d’un lien avec le lieu d’origine, la faiblesse du nombre de retours au pays laisse difficilement présager l’éventualité d’une « résistance territoriale » (Cortes 1999, 267), synonyme du maintien de la population et de l’agriculture locale. Il faut espérer qu’à l’avenir, l’émigration, et l’espoir qu’elle suscite, puissent participer au développement des localités andines, au maintien de leur culture et à la permanence de la paysannerie.

 

Notes de bas de page


[1] Se référer à Bonnemaison (1981) et Di Méo (1998) pour une approche théorique du territoire.

[2] Le dernier recensement national de la population remonte à sept ans. Cela pose un véritable problème car, malgré toutes sortes d’estimations, il est impossible de déterminer les conséquences de l’émigration au niveau local. Les indications statistiques que nous proposons ici doivent donc être considérées avec prudence.

[3] En Equateur, la paroisse est la plus petite unité administrative.

[4] Etymologiquement, quebrada signifie cassure dans le paysage. Il s’agit en fait d’une ravine d’incision linéaire dans le matériel volcanique.

[5] Il ne s’agira pas ici d’une analyse paysagère stricte mais plutôt d’une lecture des formes d’occupation du sol et des usages de l’espace agricole.

[6] Le terme libre est à prendre avec précaution car nous le verrons par la suite, les paysans de la communauté subissaient sous une autre forme la domination des haciendas.

[7] Ce n’est qu’à partir de 1937, avec la promulgation de la Loi d’Organisation et de Régime des Communautés, que celles-ci eurent la possibilité de faire reconnaître légalement leur juridiction. En ce qui la concerne, Bunchalay Capilla Pata ne le fait qu’en 1956.

[8] Situés entre 3600 et 4200 mètres d’altitude, les páramos forment une immense étendue steppique balayée par les vents et caractérisée par une nébulosité permanente.

[9] La route Panaméricaine est l’axe structurant des Andes équatoriennes et permet de relier le sud et le nord du pays. Elle est connectée à de nombreuses voies asphaltées qui parcourent le versant oriental de la cordillère jusqu’au littoral.

[10]«  […] les régions andines, dans le cadre de la mise en place d’un système économique national, ne manquèrent pas d’être touchées par les effets du développement des structures productives exportatrices dans la région littorale » (Deler 1981, 146).

[11] Cf. Bonnemaison (1981, 254).

[12] Entre 1980 et 1986 le prix moyen du baril de pétrole passa de 35,2 à 12,8 dollars (Acosta 2001, 375).

[13] La densité de la population à Juncal est passée de 16,6 habitants/km² en 1974 à 22,9 habitants/km² en 2001 (INEC).

[14] Après plusieurs mois de crise financière et d’inflation croissante (conséquences directes de la crise Asiatique de 1997, de la baisse du prix du pétrole et des effets dévastateurs d’El Niño de 1998), le président Jamil Mahuad décida de procéder à une dollarisation intégrale de l’économie nationale en janvier 2000.

[15] Ici, nous ne faisons référence qu’à l’organisation du travail agricole.

[16] Depuis 2000, le coût de la main-d’œuvre à Juncal a nettement augmenté. Le salaire journalier d’un ouvrier agricole est passé de 6 à 10 dollars pour un homme, et de 3 à 6 dollars pour une femme.

 

Bibliographie

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CHONCHOL, Jacques, Systèmes agraires en Amérique latine. Des agricultures préhispaniques à la révolution conservatrice, Paris : I.H.E.A.L, 1995.

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DELER, Jean-Paul, Genèse de l’espace équatorien. Essai sur le territoire et la formation de l’Etat national, Paris: IFEA/A.D.P.F, 1981.

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FARET, Laurent, Les territoires de la mobilité. Migration et communautés transnationales entre le Mexique et les Etats-Unis, Paris: CNRS Editions – Hachette, 2003.

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MENDRAS, Henry, La fin des paysans, innovations et changements dans l’agriculture française. Paris : S.E.D.E.I.S, 1967.

PALOMEQUE, Silvia, Cuenca en el siglo XIX. La Articulación de una Región. Quito: FLACSO – Abya Yala, 1990.

REBAÏ, Nasser, « Juncal de Cañar : la progresiva transformación territorial de una parroquia de la sierra ecuatoriana ». Ecuador Debate, vol. 75, pp. 107-116, 2008.

VAILLANT, Michel, « Más allá del campo: Migración internacional y metamorfosis campesinas en la era globalizada. Reflexiones desde el caso rural de Hatun Cañar (Andes ecuatorianos) », In MARTINEZ VALLE, Luciano, (comp.), Territorios en mutación repensando el desarrollo desde lo local,Quito: FLACSO, pp. 229-251, 2008.

 

Pour citer cet article:

Rebaï Nasser, « De la parcelle à l’archipel : mobilité paysanne et construction territoriale dans les Andes équatoriennes », RITA, N°2 : août 2009, (en ligne), Mis en ligne le 01 août 2009. Disponible en ligne http://www.revue-rita.com/content/view/64/114/