Méga-événement et multiculturalisme canadien : négocier l’identité nationale dans les défaites du Canada à la Coupe du Monde de soccer masculine 2022
Résumé
Les méga-événements internationaux comme la Coupe du Monde de soccer participent aux économies politiques et culturelles qui ont encore des effets tangibles dans les façons de raconter les évènements sportifs dans les médias locaux et internationaux. Dans cette étude, nous profitons du contexte récent de développement du soccer spectacle au Canada afin de nous consacrer à l’analyse de la couverture de presse de l’équipe canadienne de soccer lors de la Coupe du Monde masculine de la FIFA de 2022. Le matériau recueilli concerne tous les médias traditionnels canadiens. L’analyse permet de dégager une série de thèmes : identité nationale, célébrité, gestion de la défaite et le soccer comme sport de la diversité. L'analyse révèle que pendant la phase précédant l'événement, une identité multiculturelle nationale canadienne apparaît clairement et est articulée par la majorité des médias canadiens ; elle a ensuite été utilisée comme point de référence pour la couverture médiatique qui a suivi les trois défaites consécutives du Canada contre la Belgique, la Croatie et le Maroc. L'objectif de cet article est d'étudier le rôle joué par les médias canadiens dans la représentation, la production et la construction de l'identité nationale canadienne dans le contexte d'une compétition internationale comme la Coupe du Monde. La représentation médiatique du nationalisme sportif canadien est utilisée comme une loupe permettant d'examiner comment les éléments de l'identité nationale canadienne ont été représentés, reproduits et renforcés par les médias à la suite des performances et des défaites sportives de l'équipe canadienne de soccer.
Mots clés : Méga-événements, médias sportifs, identité nationale, Canada, soccer
Megaeventos, e multiculturalismo canadiano: negociação da identidade nacional nas derrotas do Canadá no Campeonato do Mundo de Futebol Masculino de 2022
Resumo
Os megaeventos internacionais, como o Campeonato do Mundo de Futebol, contribuem para economias políticas e culturais que têm ainda efeitos tangíveis na forma como os eventos desportivos são noticiados nos meios de comunicação social locais e internacionais. Neste estudo, aproveitamos o recente desenvolvimento do futebol espetáculo no Canadá para analisar a cobertura da imprensa sobre a equipa de futebol canadiana no Campeonato do Mundo de Futebol Masculino da FIFA de 2022. O material recolhido abrange todos os meios de comunicação social tradicionais canadianos. A análise revela uma série de temas: identidade nacional, celebridade, lidar com a derrota e o futebol como desporto da diversidade. A análise revela que, no período que antecedeu o evento, a identidade nacional canadiana multicultural foi claramente evidente e articulada pela maioria dos meios de comunicação social canadianos; foi depois utilizada como ponto de referência para a cobertura mediática que se seguiu às três derrotas consecutivas do Canadá para a Bélgica, Croácia e Marrocos. O objetivo do presente artigo é estudar o papel desempenhado pelos meios de comunicação social canadianos na representação, produção e construção da identidade nacional canadiana no contexto de uma competição internacional como o Campeonato do Mundo. A representação mediática do nacionalismo desportivo canadiano é utilizada como uma lente para analisar a forma como os elementos da identidade nacional canadiana foram representados, reproduzidos e reforçados pelos meios de comunicação social na sequência dos desempenhos desportivos e das derrotas da equipa de futebol canadiana.
Palavras-chave: Mega-eventos, media desportivos, identidade nacional, Canadá, futebol
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Bachir Sirois-Moumni
Postdoctorant à la Faculté des sciences de la Santé, Université d’Ottawa.
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Méga-événement et multiculturalisme canadient: négocier l'identité nationale dans les défaites du Canada à la Coupe du Monde de soccer masculine 2022
Bien que l'histoire du soccer au Canada remonte à la deuxième moitié du XIXe siècle (Jose et Rannie, 1982), ce sport a connu un développement inégal et irrégulier dans la culture populaire canadienne, c'est-à-dire dans les pratiques et représentations culturelles largement diffusées et appréciées par la population, notamment à travers les médias de masse, les loisirs et les cultures de consommations sportives. Apparu d'abord comme une pratique populaire, le soccer a évolué au gré des vagues successives d'immigration en provenance d'Europe, d'Afrique et d'Amérique latine (Day, 1981). Devenu un sport amateur de prédilection depuis les années 1990 (Fédération de Soccer du Québec, 2018), il a progressivement dépassé le cadre strict de la pratique sportive pour s'imposer comme un sport-spectacle1 de plus en plus apprécié à l'échelle nord-américaine. L'intérêt médiatique croissant et l'élargissement des publics associés aux compétitions internationales, aux Coupes du Monde ainsi qu'aux équipes et aux célébrités de la Major League of Soccer (MLS) ont contribué à sa popularisation au Canada (Sirois-Moumni, 2018, 2022). Cependant, si les performances de l'équipe féminine canadienne aux Coupes du Monde et aux Jeux olympiques ont grandement contribué à la reconnaissance internationale du soccer canadien, l'équipe masculine n'a participé qu'une seule fois à la Coupe du Monde, en 1986, avant de revenir sur la scène internationale en 2022.
Ce retour de l'équipe masculine canadienne à la Coupe du Monde 2022 offre un contexte propice pour explorer les relations entre sport, médias et identité nationale, car les méga-événements sportifs internationaux constituent des moments clés de construction et de célébration des identités nationales, où les médias jouent un rôle central dans la représentation et la mise en récit de ces identités (Wenner et Billings, 2017). Ce contexte est d’autant plus intéressant au Canada où le soccer, historiquement pratiqué et apprécié par les communautés immigrantes, a contribué à une « réimagination multiculturelle » du pays tout en étant paradoxalement marginalisé en tant que sport « ethnique » (Fielding, 2017), révélant ainsi les limites et les ambivalences de la politique officielle de multiculturalisme qui occulte des disparités et inégalités persistantes (Joseph et al., 2022). Dans ce contexte, comment la couverture médiatique canadienne de l'équipe masculine lors de la Coupe du Monde 2022 a-t-elle représenté, reproduit et reconstruit l'identité nationale canadienne ? Plus précisément, comment une certaine vision du Canada multiculturel a-t-elle été mobilisée pour représenter l'équipe, en particulier à la suite des trois défaites consécutives contre la Belgique, la Croatie et le Maroc ?
Cette étude se structurera en quatre parties principales. Dans un premier temps, une revue de littérature sera menée pour contextualiser la recherche, en abordant la particularité propre des enjeux liant le soccer et le multiculturalisme au Canada. Puis, dans un deuxième temps, le rôle des méga-événements sportifs et des médias dans la construction de l'identité nationale sera soumis à l’examen afin de constater l’importance de la production de textes, des discours, des limites et des ambivalences de tels évènements sur les contextes nationaux. La troisième partie exposera la méthodologie employée, détaillant la sélection et la présentation du corpus de couverture médiatique canadienne du Mondial 2022, ainsi que la méthode d'analyse utilisée. Les résultats seront ensuite présentés dans une quatrième partie, mettant en lumière les représentations de l'identité nationale canadienne dans la couverture médiatique, notamment à travers la célébration de la diversité et du multiculturalisme avant la Coupe du Monde mais aussi les marginalisations et ambivalences observées, ainsi que la reconfiguration des discours suite aux défaites de l'équipe. La conclusion synthétisera les principaux apports de cette recherche qui, en utilisant le cas de la couverture médiatique canadienne du Mondial 2022 comme une loupe, vise à analyser les relations complexes entre sport, médias et identité nationale, et à contribuer aux réflexions sur le rôle des discours médiatiques dans la (re)définition des contours de l'identité nationale, en soulignant les enjeux sociaux et politiques qui traversent la célébration sportive.
I. Le soccer au Canada, entre identité nationale et multiculturalisme
Il est généralement accepté que l'identité nationale est construite à travers un processus « d'imagination », de « reproduction », « d'invention » et de « (re)construction » de la nation (Bairner, 2001; Cronin et Mayall, 1998 ; Dyerson, 2003 ; Jarvie, 2003 ; Maguire, 1999 ; Miller, Lawrence, McKay, & Rowe, 2001). L'importance du hockey sur glace dans la construction symbolique de la nation canadienne ne peut être ignorée. Car, comme institution, le hockey sur glace et ses célébrités, comme Maurice Richard ou Wayne Gretzky, ont servi à « dramatiser » l'expérience canadienne et à naturaliser le hockey comme sport « moderne » au Canada (Gruneau et Whitson, 1993), tant dans le travail promotionnel entourant le sport-spectacle qu'est le hockey sur glace au Canada, dans les productions populaires entourant ce sport, que dans les travaux savants qui lui sont consacrés (Melançon, 2008). Ces contributions ont permis de comprendre comment le hockey et ses vedettes ont établi leur omniprésence dans les récits nationaux, les cultures sportives populaires et les épistémologies de l'espace culturel sportif canadien. Cependant, cette lecture étroite du sport au Canada a conduit à l'exclusion, intentionnelle ou non, d'autres événements sportifs et d'autres athlètes, notamment des femmes et des personnes racisées. En outre, l'utilisation du hockey pour définir la communauté nationale canadienne dans le contexte nord-américain a nécessité l'exagération de la différence à l'échelle internationale (Watson, 2016, p. 289). C'est précisément parce que le hockey sur glace a longtemps dominé l'essentiel des récits médiatiques sur le sport, ses célébrités et la nation au Canada qu'il est pertinent d'examiner d'autres sports pourtant populaires comme le soccer. Bien qu’il ait émergé relativement récemment en Amérique du Nord en tant que sport-spectacle, le soccer est un sport pratiqué et apprécié à travers le monde. À travers ses franchises, ses produits et ses stars, ce sport tente de trouver sa propre position au sein des récits identitaires canadiens (Sirois-Moumni, 2022, p.254-255).
Parallèlement, comme l’indiquent Paraschak et Tirone (2015), le soccer est l’un des exemples les plus évidents de « sports ethniques » au Canada, c'est-à-dire des sports particulièrement populaires au sein des communautés immigrantes ou minoritaires (Paraschak et Tirone, 2015, p. 97). Que ce soient les communautés européennes, sud-américaines ou africaines, plusieurs auteurs ont suggéré que les communautés immigrantes ont contribué au développement des cultures du soccer au Canada à travers les années (Metcalfe, 1987; Buma, 2009; Fielding, 2017; Golob et Giles, 2011; Lo, 2011; Zine, 2009; Hsoumi, 2012; Walter et al, 1991). Ces travaux soulignent que le soccer au Canada a été pratiqué, joué, apprécié, consommé et reconnu comme un sport populaire depuis le XIXe siècle, mais principalement parmi une frange de la population canadienne considérée comme marginalisée, immigrante, ethnique ou perçue comme étrangère. En ce sens, le soccer aurait contribué à symboliser la réimagination multiculturelle du Canada (Fielding, 2017). Toutefois, qualifier le soccer de sport « ethnique/immigrant/multiculturel » demeure problématique notamment dans le rapport avec l’identité nationale canadienne. Développé à travers les études du sport au Canada mais aussi dans le langage populaire et médiatique, le caractère « ethnique » du soccer participe à réifier des catégories organisantes entre groupes majoritaires et groupes minorisés (Juteau, 2015). Selon Brubaker (2004), ces catégories organisantes peuvent être appréhendées comme des « catégories pratiques, langages culturels, schémas cognitifs, cadres discursifs, routines organisationnelles, formes institutionnelles, projets politiques et événements contingents » (Brubaker, 2004, cité dans Juteau 2015, p. 12). Dans cette perspective, la catégorisation du soccer en tant que sport « ethnique » opère comme un cadre discursif et une forme institutionnelle structurant les relations entre les groupes majoritaires et minoritaires. Cependant, comme le soulignent Ahmed (2019) ainsi que Buu-Sao et Léobal (2020), la majorité est rarement spécifiée, tandis que les groupes minorisés sont constamment reconstruits dans ces termes. Cette dynamique tend à positionner le soccer comme un sport minoritaire et potentiellement « étranger » au Canada, ayant pour effet de (ré)affirmer implicitement la prééminence du hockey en tant que sport dominant.
La position marginale des immigrants dans la société canadienne aurait contribué à la mise en altérité du soccer lui-même en tant que « sport multiculturel », ce qui met en lumière les limites de la politique canadienne du multiculturalisme. Établie en 1971 et codifiée dans la loi sur le multiculturalisme de 1985, cette politique vise à reconnaître et à préserver les différentes origines raciales, nationales, ethniques, langues et religions, mais néglige les disparités économiques, politiques et culturelles qui peuvent entraver l'engagement des citoyens. Bien que le Canada prône la diversité et l'acceptation des traditions et des coutumes multiples, cet idéal reste essentiellement blanc, et les attitudes envers la diversité raciale ne se sont pas améliorées de manière significative au cours des trois dernières décennies malgré l'augmentation de l'immigration (Besco et Tolley, 2018). Pour cet article, il est important de prendre en compte que le multiculturalisme ne peut être compris que si l’on examine les nouvelles formes d’exercice du pouvoir, la domination économique néolibérale et la reconfiguration de la nation. En ce sens, selon Joseph et al. (2022), la prédominance des discours sur le multiculturalisme canadien occulte les questions de racialisation et réduit les préoccupations sur le racisme (Joseph et al, 2022, p. 869).
Certains récits médiatiques sur les athlètes canadiens racisés ont contribué à les maintenir dans une position marginale, en les présentant comme des « étrangers » ou en insistant sur leur différence (Jackson, 1998; Abdel-Shehid, 2005; Lorenz et Murray, 2014). Les athlètes racisés sont constamment renvoyés à leur altérité au sein du complexe culturel médiatico-sportif, un processus qui dépasse le racisme explicite. Ce complexe opère comme un système de régulation qui marque et remarque perpétuellement ces athlètes comme des personnes étrangères ou non-citoyennes. Comme l’affirment Sirois-Moumni et St-Louis (2023) à propos de la célébration de stars sportives racisées présentées comme des figures de la diversité au Canada, elles révèlent les tentatives de reproduire et maintenir les asymétries raciales, les inégalités socio-économiques et de pouvoir (Sirois-Moumni et St-Louis, 2023, p.97). Ces propositions invitent à analyser les discours raciaux persistants (racialisation, ethnicisation, folklorisation, etc.) et leur évolution au-delà des dichotomies ou des stéréotypes tout comme il importe de ne pas sous-estimer la complexité du multiculturalisme canadien en le réduisant à des visions simplistes. Les athlètes, comme les équipes nationales, peuvent être envisagés comme des unités organisantes des discours sur la nation et la race, non pas en eux-mêmes, mais à travers les récits qui les façonnent et par lesquels ils sont façonnées. Ces athlètes, actualisés par le complexe culturel média/sport, invitent à une complexification des contours de la nation et de la race. Le soccer apparaît donc comme un espace de négociation du nationalisme canadien, particulièrement lors de compétitions internationales où le Canada est rarement présent. À ce titre, il constitue un terrain propice à l’analyse des récits entourant le nationalisme et le multiculturalisme au Canada. En nous intéressant au multiculturalisme canadien en tant que catégorie organisante structurant un discours célébrant la diversité par le biais du soccer à la Coupe du Monde, nous souhaitons approfondir la compréhension de certaines dimensions politiques, économiques et culturelles sous-jacentes à ces mouvements.
II. Méga-événement et complexe culturel média/sport national
Les méga-événements sportifs tels que la Coupe du Monde ou les Jeux Olympiques sont considérés comme des événements culturels majeurs ayant un impact significatif sur l’identité nationale (Gruneau & Horne, 2015 ; Wenner & Billings, 2017). Roche les définit par leur dimension dramatique et leur popularité internationale (2000, p.1). Fortement médiatisés, ces événements combinent récits sportifs, marchandisation et nationalisme (Brown & O’Rourke, 2003; Roche, 1998) et offrent aux nations une plateforme culturelle spectaculaire pour se distinguer et affirmer leur singularité2. Comme événements médiatiques « vortextuels », c'est-à-dire des événements qui génèrent un effet de tourbillon médiatique en aspirant et en concentrant temporairement toute l'attention des médias (Whannel, 2001), ils occupent de vastes zones de contenu médiatique qui sont culturellement hégémoniques (Haynes et Boyle, 2017).
Le sport, les médias et les méga-événements entretiennent une interdépendance où chacun contribue à la prospérité des autres (Wenner et Billings, 2017). À travers le concept de complexe culturel sport/média (Rowe, 2013), cette symbiose entre le sport et les médias fait des textes médiatiques sportifs des sources précieuses pour explorer la construction discursive de l'identité nationale. En tant qu’acteurs influençant l'opinion publique, les médias sportifs participent à façonner les perceptions des identités. Leur rôle dans la représentation, la reproduction et la reconstruction de l'identité nationale est incontestable (Rowe, 2013). Selon Ben Carrington (2010), bien qu'ils ne soient pas les seuls espaces où les individus acquièrent des notions sur l'identité et la différence, les médias sportifs émergent comme l'une des institutions les plus influentes pour diffuser des idées populaires sur soi et sur l’Autre.
Pour Wenner et Billings (2017), les méga-évènements sportifs ont gagné en importance culturelle grâce à leur capacité à capter l’attention des médias et du public d’une manière qui dépasse le sport quotidien. Ils définissent des moments marquants inscrits dans la mémoire collective, au-delà des supporters les plus fervents (Wenner et Billings, 2017, p.34). Ces événements favorisent aussi une réflexion sur l'identité nationale en réponse aux dynamiques internationales (Morgan 1997, p. 9-11) qui offrent des occasions périodiques propices à la construction de l’identité nationale. Cette régularité favorise l’émergence de récits nationaux continus, marqués par les succès et échecs, souvent réduits à une dichotomie « nous vs eux », contribuant à leur histoire.
Les chercheurs s'intéressent depuis longtemps à la façon dont les méga-événements sportifs sont utilisés pour servir des objectifs qui dépassent le simple cadre du sport (Budd 2004 ; Cha 2009). Si de nombreuses études dans différentes disciplines ont analysé comment les méga-événements sportifs peuvent être instrumentalisés à des fins politiques ou économiques, souvent en lien avec des enjeux d'identité nationale et de puissance étatique (Pasynkova, 2013), peu de recherches se sont penchées sur la manière dont ces logiques de construction identitaire peuvent se manifester dans le contexte spécifique du Canada, en particulier dans la couverture médiatique des méga-événements.
Au Canada, les travaux en études du sport se sont intéressés à divers aspects des cultures médiatiques sportives, tels que leur dimension marchande (Gruneau et Whitson, 1993), le lien entre identités de supporters et logiques de consommation (Sirois-Moumni, 2018), l'économie politique de la mondialisation du sport et la naturalisation des nationalismes corporatistes (Jackson & Andrews, 2005; Silk, Andrews, & Cole, 2005), ou encore la construction et la signification culturelle de la célébrité sportive, notamment en lien avec les enjeux de masculinité et de race (Andrews & Jackson, 2001; Whannel, 2005). Carrington (2010) a également souligné la normalisation des préjugés sexistes, raciaux et nationaux dans la couverture médiatique ainsi que la pression croissante sur les journalistes sportifs. Cependant, peu d'études se sont concentrées spécifiquement sur le rôle des médias dans la formation de l'identité nationale canadienne à travers la couverture des méga-événements sportifs, et ce particulièrement dans un contexte francophone.
Cet article se propose de problématiser le rôle des médias dans la couverture sportive des méga-événements et la formation de l’identité nationale. Si la théorie démontre les liens étroits entre la construction identitaire, le sport et les médias, l'étude de cas de la Coupe du Monde de Soccer, telle que la couverte par les médias canadiens, offre une approche empirique pour combler l’écart de connaissance dans notre compréhension de ces dynamiques à l’échelle des méga-événements. Nous nous concentrons sur une étude de cas sur l’identité nationale canadienne plutôt que sur des généralisations en nous attardant sur des formats spécifiques de diffusion de l'information. Plus spécifiquement, cet article analyse la couverture de la Coupe du Monde masculine de la FIFA 2022 par la presse écrite canadienne afin d'identifier et d'analyser les façons dont l'identité nationale est racontée, (re)construite et renforcée dans la couverture d'un événement sportif international par les médias sportifs canadiens.
III. Méthode
Le matériau a été collecté à partir de la base de données regroupant l’ensemble des médias canadiens de l'Observatoire de la circulation de l'information (OCI)3, comprenant les articles de presse canadiens publiés entre octobre 2022 et janvier 2023, soit avant, pendant et après la Coupe du Monde 2022. Les mots clés « Coupe du Monde 2022 », « soccer » et « Canada » ont permis d'identifier un total de 1583 articles pertinents après réduction qualitative et élimination de doublons. Provenant de l’ensemble des médias canadiens, en français et en anglais, constituant un échantillon national aussi complet que possible, ce matériau a fait l’objet d’une analyse thématique de contenu. Partant du principe que le contenu des principaux organes d’information tend à refléter des normes culturelles, mais aussi que ces représentations médiatiques populaires sont le fruit du travail des professionnels des médias qui exercent une influence dans la manière de s’imaginer la/les communautés, la place du nationalisme a été examinée en retenant l’analyse textuelle de contenus de médias (sportifs et non sportifs) canadiens. Cinq thèmes clés ont émergé : identité nationale (541 articles), célébrité (321 articles), gestion de la défaite (232 articles), soccer comme sport d’étranger (312 articles) et couverture de la controverse (177 articles). Chaque article a été codé selon l’un de ces thèmes dominants (Cresswell, 2014). L'analyse s’appuie sur une approche méthodologique combinant analyse critique de discours et analyse de contenu d’un cas particulier, dans le but d’examiner la construction médiatique des récits et représentations autour de l’équipe canadienne. L’objectif n’est pas de définir la signification objective des parcours de cette équipe canadienne. Notre rôle consiste à examiner comment ces « faits » sont construits, encadrés, mis en avant, occultés et oubliés, plutôt que de rechercher simplement les faits de leur vie (Birrel et McDonald, 1999, p.292). Dans cette optique, l’analyse cherche à mettre en évidence les mécanismes inhérents au régime de multiculturalisme canadien, reproduisant des inégalités et des discriminations malgré le discours d’ouverture et de bienveillance qui les accompagne.
IV. Résultats
A. Une identité canadienne négociée avant la Coupe du Monde
La qualification du Canada à la Coupe du Monde de la FIFA 2022, grâce à une victoire contre la Jamaïque en mars 2022, marque la fin d’une absence de 36 ans à cette compétition (depuis 1986). En novembre 2022, les médias canadiens se réjouissaient de ce retour, anticipant le dépassement de la performance de 1986 en inscrivant au moins le premier but de son histoire au sein de la compétition. Une journaliste de Radio-Canada déclarait que « le Canada était de retour » (Roger, 2022). Le Toronto Sun annonçait « l’équipe canadienne la plus talentueuse de tous les temps » et une attente du public « beaucoup plus importante qu'il y a 36 ans » (Van Diest, 2022). Encouragé par une victoire face au Japon, un journaliste de La Presse suggérait que le Canada (pouvait) rivaliser avec les meilleures nations au monde (Téotonio, 2022). Toutefois, le Canada a d’abord enregistré deux défaites contre la Belgique et la Croatie, éliminant ses chances d’avancer dans la compétition. Une troisième défaite de l'équipe canadienne, face au Maroc, a mis fin à ses espoirs d'égaler ou de dépasser sa performance de 1986. Le manque de succès du Canada a entraîné un changement significatif dans le ton et le contenu de la couverture médiatique dans les journaux.
Avant la compétition, la couverture médiatique canadienne présentait l’équipe comme « unie dans sa diversité »4. Bien que le Canada ne fût pas favori pour gagner la Coupe ni même passer la phase de groupe, les médias dépeignent le pays comme animé par des aspirations de succès sur la scène internationale. Dans ce contexte d'anticipation, le Canada était caractérisé comme: « a band of unselfish brothers who play for each other and country » (Houpts, 2022). La couverture véhiculait un optimisme, suggérant que la nation était prête à triompher de l'adversité : « Canada enters the group as firm underdogs, but John Herdman’s side has a knack for upsetting the proverbial apple cart » (Jacques, 2022). Cette unité était caractérisée par des valeurs d’équipes plutôt qu’individuelles. Certains articles décrivaient l’effectif et l'entraîneur comme des « symboles de la diversité » (Kloke, 2022) représentatifs du pays et de son modèle d'intégration canadienne (Desrosiers, 2022) : « That’s because they boast a diverse group of 26 players whose families have emigrated from all over the world, making them truly representative of the country’s multicultural makeup » (Devji, 2022). Certains articles attribuaient même la participation à la Coupe du Monde aux politiques d’immigration canadiennes (Omotoye, 2022; Sivakumar, 2022) comme en témoigne l’extrait suivant: « Cette remarquable diversité est le fruit d’un pays aux ‘politiques d’immigration généreuses’ [...]. Le Canada est un pays multiculturel. Il nous a donné la paix, de meilleures écoles, une meilleure vie. [Nos efforts sur le terrain] sont seulement une façon pour nous de lui donner en retour » (Milan Borjan cité par Desrosiers, 2022).
Tous les auteurs semblaient d’accord sur le fait que la diversité de l’équipe de même que l’immigration et le multiculturalisme serait une chose positive et enrichissante pour le Canada et son équipe de soccer. Cette couverture a permis d’établir un portrait d’équipe retraçant l’origine de certains joueurs à travers leurs familles ou lieux de naissance. Par exemple, « le jeune homme (Koné) est né en Côte d’Ivoire en 2002. Sa mère et lui sont arrivés au Canada alors qu’il avait 7 ans, pour fuir la guerre civile » (Téotonio, 2022b). Certains articles présentaient leurs parcours migratoires, comme « A kid born in a refugee camp wasn't supposed to make it! But here we are going to the World Cup » (Davidson, 2022). Ces constructions présentaient les joueurs canadiens comme « véritablement représentatifs de la composition multiculturelle du pays » (Devji, 2022). Comme procédé médiatique, les témoignages des joueurs sur leur parcours d’émigration, marqués par la gratitude et la reconnaissance envers le Canada, appuient l’effet que le pays est non seulement une terre d’accueil pour les immigrants et les réfugiés mais qu’il offre des occasions et sauve des vies. Le contexte de la compétition génère une assignation nationale marquée par la domestication et la localisation de ces athlètes, présentés à un public local/canadien, mais également soumis à une tension constante liée à leur perception en tant qu’« étrangers » dans le pays. Dans les articles se consacrant à présenter l’effectif du Canada, les joueurs sont également étiquetés comme Caribéens (Barbades, Haïti, Jamaïque, Trinité et Tobago) ; Africains (Côte d’Ivoire, Ghana, Libéria) ; Européens (Irlande du Nord, Portugal, Royaume-Uni, Yougoslavie) ; Sud-Américains (Argentine) ; comme « immigrants » de première ou deuxième génération, « réfugiés » ; « Noirs » ou « Mixtes ». Ces marqueurs d'identité révèlent et éludent des histoires et des hiérarchies géopolitiques complexes qui ne sont pas racontées, expliquées ou détaillées dans la couverture médiatique de l’origine de ces joueurs.
Ces façons de présenter les joueurs ainsi que le Canada se fait dans une négociation de leur appartenance en mettant en évidence leurs origines contribuant à la présentation de l’équipe canadienne comme un « symbole de la diversité » (Kloke, 2022). Selon Ahmed, la diversité est souvent utilisée pour accumuler de la valeur en ajoutant de la valeur à quelque chose (Ahmed, 2019, p.7). Dans ce contexte, la mobilisation de la diversité de l'équipe permet de parler du Canada et de la contribution de ses immigrants et réfugiés à la valorisation du pays. Cette approche s'inscrit dans une forme de « corporatisme multiculturel » qui appréhende la contribution des personnes migrantes presque exclusivement en termes de travail et d'avantages économiques, voire sportifs, qui en découlent pour la nation. Cette perspective est illustrée dans l'extrait suivant : « One is left to wonder how many future stars, both girls and boys in any endeavour, are among the 400,000-plus immigrants Canada plans to welcome every year » (Brown, 2022). Il semble exister une croyance que ces mouvements de population produisent des citoyens canadiens qui seraient « les talents » d’aujourd’hui et de demain et qui seraient incarnés par les joueurs de cette équipe : « Canada have become a team that reflects the country: ‘Our greatest strength is our diversity’» (Kloke, 2022). Ces derniers extraits nous apprennent comment la diversité devient un attribut voire même une force qui conduit à la création d’un corps singulier (Ahmed, 2019).
Si les joueurs du Canada viennent de pays différents, ils sont présentés, appréhendés et traités comme des corps divers mais productifs. La diversité crée un certain type de corps qui se devine dans le traitement médiatique de l’équipe canadienne. En ce sens, la diversité comme technique d’attribution se transforme ainsi en contenant permettant la présentation d'un corps « unifié dans sa diversité » comme « symbole du Canada » et qui de surcroît en serait « sa force ». Loin d’épuiser la complexité de cette diversité, sa célébration à travers l’équipe canadienne de soccer occulte les barrières systémiques et les préjugés implicites persistants qui demeurent encore aujourd’hui au Canada des problèmes cruciaux pour plusieurs groupes en quête d’équité, notamment les femmes, les minorités racialisées, les peuples autochtones et les personnes vivant avec un handicap qui ne semblent pas faire partie de la définition de la diversité telle que présentée à travers l’équipe masculine de soccer canadienne. Campée dans cet horizon restreint, la définition de diversité promue occulte le fait que les joueurs restent des hommes dont les origines sont mises en avant.
Cette diversité promue par les médias couvrant l’équipe canadienne est aussi mise en avant à travers une quantité importante d’articles présentant un public multiculturel. Dans un article de La Presse, un chroniqueur suggère à propos de la Coupe du Monde de soccer: « D’habitude, on regarde ça en touristes. En se joignant à nos amis français, italiens, espagnols ou brésiliens, selon que l’on aime boire du vin, manger des pâtes, de la paella ou danser la samba. C’est dépaysant » (Laporte, 2022). Au-delà des clichés et des stéréotypes, l’auteur affirme, au nom d’une majorité de lecteurs, que suivre la Coupe du Monde au Canada serait habituellement une affaire propre à des communautés diasporiques. Différents portraits de communautés diasporiques, à travers des lieux, des personnes et des ambiances dans les grandes villes canadiennes renforcent l’idée du soccer comme un sport de la diversité et présente des communautés ayant parfois une plus grande allégeance envers leur pays d’origine que le Canada (Mussett, 2022). Des articles titrés « Le Canada, bon deuxième pour certains binationaux amateurs de soccer » (Bordeleau, 2022) ou encore « Who is your 'home team' this World Cup? For many Montrealers, it's complicated » (Lapierre, 2022) corroborent cet effet en suggérant « les choix difficiles » que devront faire les citoyens bi-nationaux. La Coupe du Monde devient un prétexte pour présenter un public canadien ayant des liens avec de nombreuses diasporas, mais propose également qu’il s’agirait là du véritable marché du soccer au Canada. Plus encore, la représentation des supporters de soccer suggère même que le soccer serait un sport pour d’autres personnes, que ce serait en quelque sorte, « leur sport » et « leur Coupe du Monde ». Cette représentation renforce l'idée du soccer comme un sport des diasporas et contribue à perpétuer la perception du soccer comme un sport d'étrangers voire un sport associé à « la diversité ».
B. Gestion de la défaite : entre négociation et attribution
La gestion de la défaite a été un élément central de la couverture médiatique de la Coupe du Monde de la FIFA au Canada. Les dernières semaines de couverture ont été marquées par la déception des résultats internationaux du Canada, mais aussi par des tentatives d’expliquer et de justifier la défaite. Alors que certains journalistes suggèrent que le résultat final était attendu, d’autres avancent l’idée que les résultats sont « en deçà des attentes » (Pratt, 2022). Après des performances moins bonnes que prévu sur le terrain, un recalibrage du succès a été réalisé par un changement tangible d'orientation vers la participation du Canada à la Coupe du Monde prévue pour 2026. Ces trois défaites sont présentées comme une occasion d’apprentissage suggérant que le Canada est en train de devenir « une véritable Nation de soccer » (Rebelo, 2022) par cette participation à la Coupe du Monde. Plus encore, la couverture médiatique de la Coupe du Monde 2022 après l’élimination du Canada s’est surtout consacrée à couvrir le reste de la compétition notamment à travers les membres des diasporas (marocaines, croates, françaises, argentine) qui faisaient encore partie de la compétition, de même que s’attribuer une partie du mérite à cette Coupe du Monde puisque le Canada faisait partie du « groupe de la mort », c’est-à-dire un groupe particulièrement compétitif, composé d'équipes de haut niveau et parmi les meilleures de la compétition.
Parmi les exemples de gestion de la défaite du Canada, on peut retrouver des tentatives de blâmer les décisions du personnel d’arbitrage, blâmer l’âge ou les qualités techniques de certains joueurs, blâmer le groupe difficile dans lequel était le Canada. Cependant, l’attribution la plus flagrante de la défaite se fait à travers la négociation du travail de l'entraîneur et de ses joueurs vedettes.
Suite à leur première défaite qualifiée d’« honorable » face à la Belgique (La Presse Canadienne, 2022), les méthodes de l’entraineur John Herdman ont été vivement critiquées. Les critiques se sont intensifiées lorsque Herdman est devenu le centre de l'attention médiatique pour avoir proféré des propos controversés qui visaient (in)directement leurs prochains adversaires (« F*** Croatia » repris par différents médias canadiens). Dans plusieurs articles, on suggère que la confiance voire l’arrogance de Herdman aurait contribué directement à la défaite du Canada (Damms, 2022). Un journaliste du Journal de Montréal affirme: « Herdman a le don d’avoir ce petit sourire en coin, une sorte de confiance qui flirte avec la limite de l’arrogance sans jamais vraiment la dépasser. Sauf une fois après le match contre la Belgique » (Lévesque, 2022). Un auteur du Réseau des Sports (RDS) affirme que John Herdman est arrivé au tournoi avec une excellente réputation mais qu'il en ressort critiqué et remis en question. Son image est comparée à celle d'un boxeur qui a été mis KO sans s'y attendre (Landry, 2022). Plus encore, certains journalistes estiment que cette façon de faire pourrait mettre en péril la réputation sportive et extra-sportive du Canada. Illustré plus clairement dans un article du Globe and Mail : « Coach Herdman’s bombastic Croatia insult could cost Canada its dignity on Sunday » (Kelly, 2022). L’auteur y remet en question les tactiques psychologiques employées par l'entraîneur du Canada et suggère que le match contre la Croatie serait un référendum sur l'état du programme de football masculin canadien avec le risque que le Canada sur la scène internationale puisse avoir l’air : « vaguely ridiculous. Like a bunch of jumped-up, indecorous pipsqueaks » (Kelly, 2022). La couverture médiatique suivant la défaite de 4-1 a accordé une place importante aux réactions des entraîneurs et des joueurs croates. Un article de Sportsnet.ca illustre cet effet de la façon suivante : « After thrashing Canada 4-1 in their World Cup match on Sunday, Croatian player Andrej Kramaric had some pointed words for his opponents and, more specifically, head coach John Herdman. “I want to thank the (Canada) coach for the motivation. In the end, Croatia demonstrated who eff'd whom » (Sportsnet Staff, 2022). L’ensemble de la couverture médiatique suivant le match face à la Croatie laisse entendre que la défaite est largement attribuable à Herdman.
Parallèlement, une couverture visant la célébrité d’Alphonso Davies comme un potentiel problème a retenu l’attention (Jones, 2022). Présenté comme « The Face of Canada’s World Cup Dream » (Ngabo, 2022) avant le début de la Coupe du Monde, Davies était placé au sein d’un panthéon d’athlètes canadiens marquants les domaines du hockey, de l’athlétisme et du basketball. Davies y était célébré comme une star de classe mondiale pouvant rivaliser sur la scène internationale, à l’image de grandes figures sportives canadiennes comme Wayne Gretzky, Gordie Howe, Clara Hughes, Fergie Jenkins et Steve Nash. Toutefois, après les défaites, certains journalistes ont questionné sa célébrité. Ceci est très explicite dans un article de la CBC où on suggère que Davies serait « une Diva » et « doté d’un égo démesuré ». Le journaliste place Davies à un niveau différent des autres joueurs en suggérant que son statut de célébrité serait expliqué par son talent, mais également par son argent comme dans l’extrait suivant : « Davies wears diamond earrings that probably cost more than James Pantemis's annual salary » (Jones, 2022). Cette « célébrité » lui confèrerait un statut particulier au sein même de l’équipe du Canada mais corrobore aussi le personnage de « diva » que plusieurs médias participent à construire après la première défaite du Canada. Ainsi, on le présente dans ses différentes façons de n'en faire qu’à sa tête, ses prises de décisions au-delà des enjeux tactiques décidés par l'entraîneur, son entente avec Soccer Canada qui lui permet de vendre ses propres maillots, d’avoir ses propres contrats publicitaires indépendamment de la fédération canadienne (ce qui ne serait pas le cas d’autres coéquipiers), sa façon de procéder à travers son propre système de relations publiques selon ses conditions et selon ses envies, sans se plier aux règlements établis, son refus de s’adresser aux journalistes, et ce tout en étant protégé par l’organisation. Ces différentes façons de représenter Davies sont en tension avec les récits de « héros canadiens » et de « Face of Canada’s World cup Dream » évoqués avant la Coupe du Monde.
En somme, les mêmes éléments qui faisaient les qualités de l’entraîneur et des joueurs avant la compétition sont devenus des caractéristiques qui se sont retournées narrativement contre eux. La passion et la fougue de John Herdman sont devenues de la naïveté, de l’excès de confiance et de l’arrogance. Le talent de même que la célébrité de Davies sont devenus un problème capable d’expliquer les insuccès du Canada à la Coupe du Monde. Ces différents traits de comportements relevés par les journalistes à propos de Davies ou Herdman contrastaient avec la représentation par les médias des valeurs de respect, d’unité, d’humilité et de camaraderie de l'équipe canadienne, soulignant ainsi efficacement une incohérence entre Herdman, ses joueurs vedettes et peut-être même les valeurs canadiennes projetées autour du sport dans la construction des masculinités hégémoniques canadiennes autour de la modestie, l’humilité et l’accessibilité (Allain, 2011; 2016).
Cette mise en tension entre ces figures et les récits hégémoniques du sport au Canada s'inscrit dans la continuité des travaux montrant que les différentes façons d’appartenir au Canada sont construites de façon à réguler et à (re)marquer les personnes qualifiées d’étrangères ou de « non citoyennes » (Abdel-Shehid, 2005). Qualifier certains athlètes de « différents » influence la présentation des évènements sportifs aux publics. Dans notre corpus, l’accent mis sur l’origine immigrante des joueurs (et des supporters) révèle la persistance d’une représentation du soccer comme sport « étranger ». Cette altérité, de même que la mise en avant de leurs attitudes et allégeances changeantes souligne indéniablement les écarts culturels avec la culture sportive hégémonique canadienne, positionnant ces acteurs du soccer comme des figures potentiellement « autres ».
Le processus médiatique de « domestication » d’Alphonso Davies opéré par les médias en le comparant à des figures comme Wayne Gretzky est éclairant à cet égard. D’une part, il peut être analysé comme une tentative de l’affirmer comme un héros national. Cependant, en soulignant son appartenance au soccer, perçu comme « étranger » dans notre corpus, il devient en quelque sorte un « Wayne Gretzky de l’étranger ». Même si Davies a grandi au Canada et qu’il est un héros international reconnu, s’il « ne pense pas comme nous », s’il « ne parle pas comme nous », s’il « ne fait pas comme nous », cela est suffisant pour le considérer comme un étranger potentiel et quelqu’un de « différent ». Cet élément ressort plus clairement à travers sa figure de célébrité qui semble faire à sa guise, ne s’adressant pas aux médias et gagnant plus d’argent que la plupart de ses coéquipiers. Cette notion de différence peut être délicate à établir une fois pour toutes mais rappelle les travaux de Jackson (1998) montrant la fluctuation des récits médiatiques présentant certains athlètes tantôt comme « des nôtres » dans les succès, tantôt comme figures d’altérité lors de scandales. Similairement, on peut étendre notre compréhension de cet effet aux succès et aux défaites alors qu’on observe un changement de tonalité dans la couverture de l’équipe canadienne entre l’euphorie pré-compétition et l’attribution de la faute après les défaites. Cela témoigne de la fragilité du processus d’identification à une équipe perçue comme porteuse d’une différence due à l’origine immigrée de ses joueurs qui les rendraient plus vulnérables à ces changements de significations.
Conclusion
Cet article a examiné la (re)construction identitaire canadienne à travers la couverture médiatique de l’équipe de soccer masculine lors de la Coupe du Monde 2022. Alors que le hockey sur glace a historiquement dominé les récits médiatiques servant à narrer la nation canadienne (Gruneau et Whitson, 1993), le soccer émerge progressivement comme un sport spectacle populaire au Canada. Le contexte du méga-évènement sportif a offert une plateforme pour présenter une réimagination multiculturelle du Canada reflétant « sa diversité ».
Un élément clé de la couverture médiatique résidait dans la gestion de la « défaite », définie comme l’incapacité à progresser en compétition. Avant la compétition, les médias canadiens présentaient l’équipe comme une équipe ambitieuse et réelle « nation de soccer » marquée par la diversité de son effectif. Cependant, les défaites ont entraîné un changement de ton dans la couverture médiatique. Cette couverture a brossé un portrait du soccer, de la Coupe du Monde, de ses pratiquants et de ses amateurs en contradiction avec la culture sportive hégémonique canadienne. La critique exacerbée envers l'entraîneur et certains joueurs a négligé la nature inhérente de la défaite. Le revers contre la Croatie a confirmé ce revirement, avec une couverture négative de l’équipe et une requalification du soccer comme sport des diasporas suivant la compétition. Ces observations suggèrent que les mécanismes médiatiques promouvant le sentiment national et marginalisant le soccer étaient liés à la gestion sous-jacente de la défaite. Les médias ont donc joué un rôle significatif dans la reconstruction de l'identité nationale à travers les résultats sportifs.
Cet article démontre le rôle des populations immigrantes/réfugiées/racisées dans la redéfinition des identités canadiennes, à la fois dans les récits médiatiques ordinaires et spectaculaires autour d'athlètes et supporters de diverses origines. Bien que certains sports comme le soccer aient une importance moindre dans les récits nationaux, cette étude révèle une transformation récente de leur visibilité dans les médias sportifs canadiens lors de méga-événements tel que la Coupe du Monde. Toutefois, ces représentations tendent à reconduire des stéréotypes vis-à-vis du soccer comme un sport « d'étranger » ou « de la diversité », révélant ainsi les limites de l'inclusion dans le paysage sportif canadien. En représentant l'équipe canadienne et les publics locaux comme « différents » et « non traditionnels », les journalistes ayant couvert la Coupe du Monde au Canada reconnaissent implicitement ces personnes comme étant différentes et non conformes à l'image du sport au Canada. Le revers de la diversité se retrouve donc à travers cette mise en évidence de la différence qui renforce l'idée que le soccer est encore et toujours associé à l'immigration, voire qu'il est encore perçu comme un sport étranger dans le langage médiatique canadien. Cette perception contribue à la dévalorisation potentielle du soccer dans la culture sportive hégémonique du Canada, facilitant ainsi une dissociation et un désengagement avec ce sport comme « non-canadien » dans les insuccès de l’équipe.
Plus encore, ces représentations contribuent à la perpétuation de la marginalisation des groupes minorisés, tandis que la notion de « majorité » reste prise pour acquise, floue et indéfinie. Si les identités nationales sont le résultat de processus pluriels et changeants, elles se (trans)forment donc sous l’effet des politiques de la représentation du moment. Cependant, cette transformation se produit tout en étant renforcée par un désaveu constant de la différence. En ce sens, le contexte pourtant célébratoire de la Coupe du Monde participe d’une certaine manière à la production de nouvelles formes d’altérisation de certains groupes de citoyens canadiens alors qu’ils sont sans cesse reconduits dans les marges de l’appartenance à la nation par rapport à leurs origines, leurs couleurs de peau et leurs trajectoires d’immigration. Le nationalisme, lorsqu'il aborde des idées liées à la différence sociale, tend souvent à se concentrer sur la distinction entre « nous » et « eux », c'est-à-dire les « autres ». Cela se traduit par la création de frontières culturelles, où certaines personnes sont considérées comme faisant partie intégrante de la nation (« intérieures ») tandis que d'autres sont perçues comme extérieures à celle-ci. Comme nous avons pu le constater dans cet article, le contexte de la compétition participe à reconstruire les contours de la nation alors que les joueurs et l’équipe sont au centre de débats incessants autour de la citoyenneté : qui est reconnu (ou non) en tant que citoyen, qui est inclus et selon quelles conditions, ainsi que dans quelle mesure - et qui en est exclu (Juteau 2015). Les récits accompagnant cette équipe de soccer à la Coupe du Monde masculine de soccer 2022 participent ainsi à mettre au jour les limites du régime de représentations au Canada.
Notes de fin
(1) J’entends « sport-spectacle » ici comme l’articulation entre le sport, sa commercialisation et les industries du divertissement qui reproduisent les valeurs dominantes d’une société. Voir les pages 65-89 du livre Media Spectacle de Douglas Kellner, 2003.
(2) L'affiliation sportive prime sur l'appartenance religieuse et l'engagement politique dans de nombreuses sociétés (Dyreson 2001)
(3) Un grand merci à Sylvain Rocheleau qui a effectué le forage du matériau à travers l'Observatoire de la circulation de l'information (OCI). L’OCI a une base de données qui répertorie l’ensemble du contenu médiatique journalistique canadien. Il faut savoir qu’une recherche sur la base de données Eureka.cc aurait également pu être envisagée. Toutefois, par manque de certaines informations comme les archives du Journal de Montréal, ainsi que plusieurs contenus sportifs comme les sites du Réseau des Sports (RDS) et TVA Sport, il était préférable de procéder à travers l’OCI.
(4) Dans un souci de concision, nous n’aborderons pas dans cet article la couverture médiatique canadienne des controverses avant l'événement entourant l’organisation de la Coupe du Monde de soccer au Qatar, notamment en lien avec les droits humains, les conditions de travail des migrants et les enjeux environnementaux et LGBTQ+. Loin de minimiser ces aspects, une étude future pourrait analyser de façon plus approfondie ce pan de la couverture.
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Pour citer cet article :
Bachir Sirois-Moumni, « Méga-événement et multiculturalisme canadien : négocier l’identité nationale dans les défaites du Canada à la Coupe du Monde de soccer masculine 2022 », RITA [en ligne], n°17 : septembre 2024, mis en ligne le 30 septembre 2024. Disponible en ligne http://www.revue-rita.com/dossier-thematique-n-17-articles/mega-evenement-medias-nationaux-et-corporatisme-multiculturel-canadien-negocier-l-identite-nationale-dans-les-defaites-du-canada-a-la-coupe-du-monde-de-soccer-2022-bachir-sirois-moumni.html