Les conditions sociales du développement du football de São Paulo (1900-1920)
Résumé
L’objectif de cet article est d’étudier le développement du football à São Paulo, au Brésil, à travers les conditions sociales de ceux qui l’ont introduit. Dans un premier temps est exploré le rôle de la bourgeoisie afin de comprendre dans quel cadre le football est arrivé à São Paulo et quelle a été l’influence de cette bourgeoisie sur l’évolution de ce dernier. Sa première diffusion ne semble ainsi pas avoir été voulue par la bourgeoisie et différents modes de jeu se sont mis en place indépendamment d’elle. Dans la deuxième décennie du siècle, la bourgeoisie a tenté de garder un certain contrôle politique et culturel sur la pratique. Ce sont ces rapports de force qui expliquent la constitution des grands clubs les plus populaires de São Paulo et l’organisation de la métropole.
Mots clés : Football ; Brésil ; Métropole.
The social environment of São Paulo football development (1900-1920)
Abstract
The objective of this article is to study the development of football in São Paulo, Brazil, through the social conditions of those who introduced it. Firstly, the role of the bourgeoisie is explored in order to understand in what context football arrived in São Paulo and what was the influence of this bourgeoisie on the evolution of the latter. Its first diffusion does not seem to have been wished by the bourgeoisie and different modes of play were put in place independently of it. In the second decade of the century, the bourgeoisie attempted to maintain some political and cultural control over the practice. It is these balances of power which explain the constitution of the greatest popular clubs in São Paulo and the organization of the metropolis.
Key words: Football; Brazil; Metropolis
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Yohann Lossouarn
Doctorant
CESSMA (Université Paris-Cité)
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Les conditions sociales du développement du football de São Paulo (1900-1920)
Introduction
Futebol, ce seul mot nous évoque le Brésil flamboyant de la seconde moitié du XXe siècle dans les grandes compétitions internationales et les enfants jouant dans les rues ou sur les plages. Cette image transatlantique s’inscrit dans une histoire, mais encore avant cela, l’installation du football au Brésil mobilisait un regard dans le sens inverse, dirigé vers l’Europe. Et pour comprendre l’installation du football au Brésil et en particulier dans la ville de São Paulo nous étudions notamment l’organisation sociale de ce regard de respectabilité envers le développement et la modernité européenne.
Les Brésiliens ont aboli l’esclavage tardivement, en 1888, puis promulgué la Première République en 1889. São Paulo s’y affirme alors comme une puissance émergente, soutenue et encouragée par la richesse de sa production de café. Elle favorise encore celle-ci face aux autres États du Brésil selon le régime du « Café com Leite », surnom de son alliance avec l’État du Minas Gerais pour diriger la politique économique fédérale. La ville se développe donc grâce aux capitaux que concentre la nouvelle oligarchie du café, et l’immigration européenne massive que celle-ci attire. La municipalité de São Paulo et son agglomération s’industrialisent alors et comptent respectivement 239 820 et 305 082 habitants en 1900 puis 579 033 et 707 251 habitants en 1920.
Sous l’angle du football, nous tenterons notamment d’explorer les prémices de son fonctionnement en tant que métropole avec les communes alentour. L’agglomération que ses habitants aiment alors à appeler la Paulicéia peut en effet être considérée comme une jeune métropole en 1920 (Duarte Lanna, Cymbalista, et Souchaud 2019), et il s’agira pour nous de voir ici l’importance des nouvelles cultures du football dans sa formation. Pour cela, nous situons le départ de notre période de recherche au tournant du XXe siècle, quand les Paulistains[1] découvrent le football venu d’Angleterre.
En 1894, Charles Miller a ramené le football d’Angleterre, où il était déjà bien établi, et, selon la tradition historiographique brésilienne, organise un premier match à São Paulo en 1895, entre les cadres britanniques de deux entreprises. Cette même tradition décrit ensuite le long processus qui conduit d’une première « exclusion » vers la « démocratisation » de ce sport au Brésil (Filho 1964). Nous tenterons pour notre part d’aller au plus près de cette diffusion du football à São Paulo pour comprendre les influences et les conséquences sociales de ce qui devient une nouvelle culture, sur la ville et ses habitants. Nous avons pour cela avant tout réalisé une consultation exhaustive des pages sportives de la presse quotidienne de deux des titres les plus diffusés entre 1900 et 1920 : O Estado de S. Paulo et le Correio Paulistano au début de la période puis A Gazeta à la place de ce dernier à partir de 1918. Les articles étudiés concernent donc les événements du football de l’époque, mais ils sont également des représentations que la société paulistaine se faisait d’elle-même. Afin d’extraire un maximum d’informations à propos de cette société, on a utilisé les principes du codage/décodage que le sociologue Stuart Hall a mis en place pour l’analyse des médias (Hall 1994). Nous ambitionnons ainsi d’élaborer une lecture sociale de l’histoire du futebol et de la presse en sachant que cette dernière était écrite par et pour une classe en particulier. La direction de l’Estado est en effet une alliance des élites rurales et de la bourgeoisie ascendante de São Paulo (Martins et Luca 2010, 90) tandis que le Correio Paulistano représente les intérêts du parti politique dominant, le Parti républicain pauliste (PRP). Leurs lignes éditoriales quant au football en sont ainsi le reflet des préoccupations de la bourgeoisie dans ses diverses tendances au gré de l’actualité bouillonnante d’un milieu en train de se constituer.
Ces articles de presse ont eux-mêmes participé à la circulation de cette culture du football d’origine britannique qui se développe à São Paulo. Ils se présentent donc à double titre en tant qu’objets de notre étude, bien qu’il faille garder en tête que tous les Paulistains ne sont pas lecteurs, particulièrement au début du siècle. Mais les journaux sont des organes citadins primordiaux à São Paulo dès les premières décennies du XXe siècle en ce qu’ils organisent la vie de la ville et donnent des références communes à ses habitants (Martins et Luca 2010). Les nouvelles machines rotatives permettent des améliorations et augmentations des tirages de l’Estado par exemple (18 000/jour en 1908, 35 000 en 1912[2] notamment). Dans le même temps, les lecteurs sont de plus en plus nombreux dans la ville dont les quotidiens rythment la vie avec leurs éditions matinales et du soir (Collectif 2011) ainsi que les discussions qu’ils alimentent entre les habitants.
C’est grâce à ces journaux que nous avons pu observer l’influence que l’Europe a gardée sur le football de São Paulo dans la première décennie du XXe siècle au moins, ce que nous retraçons dans une première partie. Ce sera notre point de départ pour étudier dans une seconde partie en quoi les conditions sociales de ces pratiques initiales, dans le stade ou dans la rue, ont influencé ses mutations et comment il est devenu un lieu commun de tout São Paulo dans les années 1910. Nous pourrons ainsi montrer dans une dernière partie comment le football de São Paulo s’est construit en parallèle des évolutions de la population paulistaine en pleine explosion démographique, ainsi que de son environnement urbain et comment la bourgeoisie l’a mis au service du développement économique de la ville.
1. La volonté bourgeoise d’européaniser São Paulo
A. Le désir des europhiles
L’historiographie consacre comme le premier match de football sur la terre du Brésil une discrète rencontre entre les cadres britanniques (de nationalité ou d’origine) des compagnies du gaz et des voies ferrées de São Paulo en 1895. Dans les années qui suivent, les Brésiliens prennent progressivement connaissance de ce sport européen qui mobilise l’attention de l’autre côté de l’Atlantique. Dans la presse des dernières années du XIXe siècle, nous pouvons voir que la bourgeoisie pauliste observe le football de France et d’Angleterre comme un modèle à imiter. Cela se manifeste avec la publication de quelques télégrammes des agences internationales qui relatent les succès du football en Europe. Certaines familles de la bourgeoisie brésilienne europhile se joint ainsi à la « colonie » britannique qui organise des matchs dans quelques grandes propriétés de la ville.
Ces premières rencontres forgent alors les principaux traits caractéristiques du football « de l’élite » de la première décennie du XXe siècle. Ils établissent notamment la tradition des rencontres « brésiliens vs étrangers » qui devient un classique. Le football fait également son entrée dans les plus grands collèges de São Paulo où étudient les jeunes hommes de ces familles et prendre une place de choix. Ils mettent aussi en place la référence du grand match du dimanche, véritable événement mondain à l’issue duquel sont remis des trophées achetés en Europe.
Très vite se noue une collaboration étroite entre la « grande » (Collectif 2011) presse et les premiers footballeurs. Il s’agit d’une solidarité de classe (bourgeoise) et ainsi de culture (que l’on dit « cosmopolite », mais qui est surtout anglophile et francophile). Ces journaux sont un outil de l’organisation de la vie quotidienne de ce football de l’élite en faisant notamment passer des annonces pour les réunions des clubs (parfois en anglais) ou pour du matériel directement importé d’Europe. Ils mettent en place un modèle de récit de match et installent le vocabulaire largement anglophone du football (agrémenté de quelques mots français surtout pour la partie mondaine à propos des spectateurs et spectatrices). Cet archétype de l’article de football dans les quotidiens dure presque 20 ans.
La presse soutient donc et influence ainsi le football en tant que style de vie de la bourgeoisie pauliste europhile durant la première décennie du XXe siècle. Sont ainsi annoncés par exemple, les « thés anglais » qui regroupent les familles des membres des clubs Paulistano et Palmeiras[3] après les entraînements ou les matchs. En 1908 encore, est publié un long texte d’un sociologue français qui valorise la pédagogie anglaise par le football[4] comme pour prodiguer des conseils au Brésil. Cette parole a une influence dans São Paulo puisque l’Estado compte parmi les lecteurs les dirigeants des grands clubs et les responsables de l’éducation de la municipalité ainsi que du gouvernement de l’État de São Paulo.
À partir de 1902, plusieurs années avant Rio de Janeiro, São Paulo organise donc son championnat sur le modèle des compétitions européennes et avec le soutien actif de la presse. Celle-ci multiplie alors les résumés de matchs et l’on peut supposer que ces derniers rencontrent vite l’intérêt des lecteurs puisque l’espace accordé au football ne fait ensuite qu’augmenter. Ce championnat est aussi légitimé par la participation des Européens résidant à São Paulo. Les Anglais se regroupent sous la bannière du São Paulo Athletic Club (SPAC) et les Allemands sous celle du Sport Club Germania tandis que naît même un Sport Club Internacional au recrutement plus divers. Mais les élites paulistes vont surtout apporter leur soutien politique et financier au Club Athletico Paulistano avec pour objectif de mener un effectif total brésilien qui concurrence ses modèles européens. Très vite, c’est une bonne part de São Paulo qui se prend au jeu puisque l’on compte 4 000 spectateurs pour le match décisif de la saison 1902 entre le Paulistano et le SPAC[5]. Ainsi, en cette fin d’année 1902, les journaux rapportent les fondations de 35 clubs de football. Mais on retrouve alors aussi la première plainte auprès de la police de la part des habitants d’une rue contre quelques jeunes « desocupados[6] » qui jouent sur la voie publique. Le football est arrivé à São Paulo.
Figure 1 : Le football dans la municipalité de São Paulo en 1902. Élaboration de l’auteur à partir du Planta geral da cidade de São Paulo, de la Prefeitura Municipal, 1905.
B. Une réponse globale
Les plaintes contre le football de rue sont notre seule source pour saisir une certaine adoption de ce jeu (puisque c’est ici cela plus qu’un sport) par la population de la ville — et particulièrement les enfants. Celles-ci démontrent en effet que le football aurait dépassé les cadres de la bourgeoisie cosmopolite, dès la première année du championnat. Les plaignants et la police reconnaissent ce sport même quand des jeunes le pratiquent dans la rue, étant donné qu’ils utilisent le terme « foot-ball » pour qualifier les désordres qu’ils signalent. On peut donc parler d’une appropriation relativement répandue dans São Paulo, socialement et géographiquement comme on le voit sur cette carte (figure 2). Nous y avons fait figurer les incidents du jeu de rue (pelada) de la période 1906-1910 en arrondis jaune et rouge.
Figure 2 : Le football dans la municipalité de São Paulo en 1910. Élaboration de l’auteur à partir du Planta geral da cidade de São Paulo, de la Prefeitura Municipal, 1905.
On retrouve plusieurs peladas dans le secteur Villa Buarque/Consolação au centre ouest de São Paulo, celui des terrains officiels et des collèges. On discerne donc l’importance de ces derniers pour la vulgarisation du football — si ce n’est que ses habitants savent mieux que d’autres le reconnaître. Mais on retrouve aussi le jeu de rue des enfants dans la zone centre est, entre le centre-ville et les quartiers industriels de l’est. Enfin, on joue également dans les rues des faubourgs plus à l’est à une époque pour laquelle nous n’avons pas encore répertorié de terrains et de matchs organisés. La pelada des enfants semble donc devancer la diffusion d’un football plus officiel. Ainsi, elle ne constituerait pas un simple élément en arrière-plan de la popularisation du football, mais plutôt un mouvement de fond qui représenterait son appropriation par la population de la ville, dans sa diversité. Et c’est très logique si l’on suit l’anthropologue Christian Bromberger (Bromberger 1998) qui avance que le football doit sa popularité mondiale à la simplicité de sa pratique.
Cette première décennie du XXe siècle voit aussi l’implantation du futebol de várzea (Giglio et Proni 2020). C’est une nouvelle façon de jouer à São Paulo, un peu plus formelle et proche des règles du sport britannique que ne l’est la pelada. Les joueurs de plus en plus nombreux trouvent en effet les várzeas, ces terrains vagues alors non constructibles, car inondables, comme des solutions pour pratiquer leur football. C’est ainsi que dès le deuxième semestre 1902 — la phase finale du premier championnat de la ville mentionnée ci-dessus —, de tels matchs se multiplient. On utilise la Várzea do Carmo à l’est du centre-ville, à la façon du premier match des Anglais de 1895. Mais ils profitent également d’autres espaces plats à la merci des crues de la rivière Tamanduateí, le fond de la vallée de l’Itororó ou de la plaine alluviale du fleuve Tietê. Le São Paulo populaire — et masculin — se retrouve ainsi chaque dimanche, jour chômé, pour une dizaine de matchs sur ces terrains. Émergent alors quelques-uns des clubs qui vont rester emblématiques du futebol de várzea des décennies suivantes, tel que l’Estrella de Ouro. En 1906, ces équipes de várzea mettent même en place une Segunda Liga Paulista de Foot-ball et une Terceira Liga Paulista de Foot-ball sur le modèle de la ligue de l’élite et dont les titres laissent à penser qu’ils se considèrent comme ses divisions inférieures. Ce sont certainement là les matchs les plus sérieux sportivement de la várzea et ils reprennent à la ligue officielle son schéma « match des secondes équipes à 14h30 et matchs des premières équipes à 16 heures ». Pourtant, les deux footballs et leurs ligues n’ont aucun rapport formel, le lien n’est autre que spirituel ; l’amour du football et le désir de l’organiser. On voit ainsi dès les années 1900 un véritable spectre qui va des matchs les plus informels jusqu’aux plus officiels du football pauliste[7]. Et si cette ligue de l’élite restait largement hermétique aux clubs et footballeurs plus populaires, certains des cracks de l’élite pouvaient se rendre dans la várzea pour jouer, les dimanches sans matchs de championnat. Jacob Penteado raconte que ce fut le cas de Herman Friese, grand joueur du SC Germania. Il venait s’y confronter avec d’autres manières de jouer malgré un respect des règles approximatif lui aussi (Penteado 1962, 221). Les matchs de várzea se terminaient en effet parfois sous la menace d’un revolver ou d’une arme blanche.
[des adolescents] quand ils jouaient avec d’autres une partie de foot-ball, ont eu une dispute sérieuse.
Le mineur Guiseppe, perdant la tête, a sorti un canif et agressé son adversaire, le blessant au côté gauche, avec le coup certain qu’il lui avait porté.
[…] les autorités compétentes ont ouvert une enquête.[8].
Dans le nord-ouest de São Paulo, il existait aussi un football d’entreprise, où les cadres — souvent britanniques — ont progressivement joué avec les ouvriers, comme à Bangu à Rio (Borges Buarque de Hollanda et Fontes 2021, 47). Mais surtout, dès 1905, les rencontres entre ces compagnies ont établi une connexion ferroviaire footballistique avec Jundiaí, la première gare vers l’hinterland caféier de l’État. Les mêmes Britanniques possédaient plusieurs de ces établissements dans les deux villes et choisissaient d’organiser des rencontres entre eux en priorité. Le football commençait à se diffuser vers l’intérieur. Les éditeurs des revues sportives de São Paulo ne s’y trompèrent pas quand ils mirent en place, en 1907, des promotions pour les joueurs des clubs de l’intérieur comme pour la capitale. Ils contribuèrent à l’institutionnalisation du football de l’intérieur et sa correspondance avec celui de São Paulo par le biais de leur intérêt sans cesse renouvelé pour les règles du jeu et leurs mises à jour par les instances européennes[9]. S’il existe des théories selon lesquelles le football pauliste serait né dans le collège d’une petite ville à l’est de Jundiaí, Itu (Neto 2002), il est donc difficilement contestable que ce sont bien la capitale et ses clubs qui ont diffusé le football dans le reste de l’État. Le parrainage de la capitale et de ses clubs phares semble ainsi, quelques années plus tard, être autant demandé que celui des Anglais précédemment. Santos invite ainsi le CA Paulistano pour l’inauguration de son nouveau terrain[10]. Les passionnés des villes de l’intérieur accueillent ainsi les joueurs célèbres de la capitale comme les pères du football brésilien, parfois simplement pour encadrer des entraînements. Les sportifs de ces villes vont même jusqu’à fonder des clubs qui reprennent les noms des grands de São Paulo, tel le Paulistano de São Carlos[11]. L’élite de São Paulo, à la tête du football ainsi que du pouvoir politique de la ville et de l’État suit la devise de celui-ci : Non Ducor Duco[12].
2. Le football fait vivre la Paulicéia
A. Les équipes étrangères en visite
Grâce aux « tournées » de clubs internationaux, la ville de São Paulo s’inscrit dans le football mondial et s’affirme au Brésil en tant que ville-pivot de cette culture occidentale. Le prestige du football européen véhiculé par les journalistes est alors converti par leurs alliés les dirigeants du football officiel de São Paulo pour s’installer un peu plus comme une ville du football. Mais ces visites accentuent ce prestige et valorisent encore l’esprit européen du football au sein de la cité. Le plus souvent, les clubs ou sélections étrangères passent par Rio de Janeiro, ces matchs sont donc un autre moyen de se comparer, et s’affirmer comme la première ville sportive brésilienne. De la même manière, puisque le rédacteur de l’Estado justifie le football comme une arme diplomatique[13], l’organisation de telles rencontres permet également de se positionner, plus généralement, en tant que moteur et vitrine du Brésil[14]. C’est dans ce sens que la presse rapporte les négociations de la ligue ou de quelques clubs voire d’individus (fréquemment menées par le joueur et dirigeant Charles Miller en l’occurrence) avec des équipes étrangères. Et quand ces négociations aboutissent, les matchs contre des équipes internationales permettent de se mesurer au monde et d’observer des techniques ignorées. La première visite d’une sélection argentine en 1908 donne donc l’occasion d’évaluer le niveau des footballeurs de São Paulo, comme ce sera le cas contre les premiers Anglais en 1910 et Uruguayens en 1911. Ce sont alors des leçons d’humilité pour les paulistes — et les Brésiliens en général — qui perdent souvent largement. Mais São Paulo et ses rédacteurs sportifs peuvent observer les méthodes d’entraînement des équipes qui sont établies en ville au moins pour quelques jours. La discipline des Anglais est logiquement grandement valorisée par les journalistes qui invitent à suivre un tel entraînement.
La visite des Corinthians en août 1910 constitue certainement l’apogée de l’influence anglaise sur le football pauliste. La presse bourgeoise célébra ainsi leur arrivée :
L’équipe des amateurs anglais va arriver, de brillantes victoires sont à prévoir pour les étudiants Oxford et Cambridge qui ont gagné partout en Europe où le football est cultivé avec un si grand enthousiasme.[15]
Tout São Paulo semble partager ce jugement. La seule rencontre qui se joue un dimanche rassemble 10 000 spectateurs — alors un record[16]. Au-delà de ce chiffre, les journalistes notent surtout l’inhabituelle diversité sociale de la foule. Le rédacteur de l’Estado s’interroge d’ailleurs « pourquoi cette transformation ? » quand il nous rapporte les cris et les critiques des « aficionados amassés sur la piste autour de la pelouse »[17]. Il assimile donc ce public à celui de la várzea. On ne peut savoir si ce sont vraiment les mêmes hommes, mais on voit qu’il y a au moins deux façons de vivre cette culture dans le stade. Et c’est à partir d’emplacements différents que ces spectateurs agissent différemment, depuis les places assises des tribunes ou bien debout dans la Geral, où l’on peut se masser tout autour du terrain. Les deux populations semblent toutefois accorder une égale et grande importance aux footballeurs anglais.
On le vérifie d’ailleurs avec d’ailleurs l’un des grands héritages de cette visite. Des hommes de la petite classe moyenne des quartiers nord fondent en effet en septembre 1910 un club, le Corinthians Paulista (Domingos 2019). Cette équipe commence alors à jouer dans la várzea du quartier de Bom Retiro avec un effectif de joueurs issus du football populaire de São Paulo. On connaît déjà bien l’histoire de ce clin d’œil des Brésiliens au football anglais. En revanche, grâce à notre recensement des clubs, on a pu constater qu’une telle référence était loin d’être un fait isolé. Ainsi en 1910 sont aussi fondés entre autres des « Liverpool Foot-Ball Club », « The London Foot-Ball Club » ou encore « S. C. Sherlock Holmes », dont les membres du directoire ne semblent pas être des Britanniques. En outre, des joueurs de l’AA das Palmeiras avaient alors eux aussi formé une sous-équipe appelé « les Corinthians ». Mais c’est bien ce premier club qui va progressivement devenir plus important que les Corinthians originaux eux-mêmes et ainsi rester un marqueur indélébile de l’influence anglaise sur le football paulistain — même populaire ! — et brésilien en général.
Le retour des Corinthians en 1913 leur permet d’ailleurs de porter un jugement sur l’évolution entre ces deux dates. Les paulistes de l’époque accueillent ce verdict comme une bénédiction. Les Corinthians ont été impressionnés par la large diffusion du football dans la ville et le niveau sportif qui a ainsi grandement progressé. Les rédacteurs du Correio Paulistano et de l’Estado avaient fait éplucher les revues sportives britanniques à raison : le football paulistain est consacré par le jugement des « pères »[18]. Ils légitiment ainsi un peu plus la fierté pauliste qui s’écrit dans les pages des journaux, en opposition à Rio de Janeiro en particulier.
B. Pour un nouvel élan dans le quotidien de la ville
Il est difficile de savoir à quel point ce sont nos sources, les journaux, qui changent leur ligne éditoriale et observent un peu plus le football populaire Néanmoins, ils rapportent une explosion du nombre de matchs qui ont lieu dans la région métropolitaine, et particulièrement la capitale. On constate une augmentation quasi exponentielle dans la première partie des années 1910. 75 % de matchs en plus en 1910 par rapport à 1908, à nouveau 74 % d’augmentation en 1913 par rapport à 1910 et surtout, 244 % de plus en 1914 en comparaison de 1913 pour un total de 2378 matchs. De plus, on compte également 120 fondations de clubs cette année-là. La passion est palpable et le football s’installe. On peut également le lire géographiquement sur le territoire de la municipalité.
Figure 3 : Le football dans la municipalité de São Paulo en 1914. Élaboration de l’auteur à partir du Planta geral da cidade de São Paulo, de la Commisão geographica e geologica, 1914.
On voit là que toutes les pratiques y trouvent leur espace. En rectangles verts, les terrains du football « officiel » sont très minoritaires face à l’utilisation des várzeas (rectangles bleus) et autres terrains vagues au sein des zones les plus urbanisées (rectangles bleu-vert) où s’organisent aussi des matchs voire des championnats. Tous les quartiers possèdent leur campo, sur lequel les clubs locaux accueillent, le dimanche, d’autres équipes de la ville. Tandis que les faits divers nous rapportent toujours les incidents liés à la pratique des peladas des enfants et adolescents principalement, représentés en arrondi jaune et rouge sur les rues concernées. À partir de 1911 et surtout de 1913, on utilise d’ailleurs un nouveau vocabulaire pour parler de ces joueurs. C’est la figure du « moleque »[19] qui émerge, le gamin des rues, avec un véritable style de vie que l’on dit « molecagem ». Le football se manifeste dans tous les aspects de la vie des Paulistains qui s’en plaignent dans certains cas :
Dans l’alameda Barros, entre les rues Martim Francisco et Barão de Tatuhy [quartier de Santa Cecilia] se rassemblent tous les jours une bande de gamins [malta de moleques] pour y jouer le football.
Mais s’il ne s’agissait que de cela, le mal serait des moindres. Toutefois quelques-uns des joueurs font parfois des buts en furie avec leur balle à travers les vitres des entrées situées sur ce passage, et avec de grands cris et des gros mots [os palavrões de molecagem].
Ainsi, de permettre le jeu de football dans une voie publique est déjà un des grands défauts de l’indolence [brandura] de nos coutumes, mais le jeu donne donc lieu à d’autres faits qui ne sont pas seulement un préjudice à la morale, mais également à la propriété.
C’est pour cela que nous nous tournons vers votre intermédiaire pour demander au secrétaire de la justice et la sécurité publique qu’il fasse venir la police sur le lieu en question étant donné que tous ces abus sont la conséquence d’un manque de police.[20]
On a pu constater que le futebol de várzea cohabite avec ce jeu de rue. Dans la première décennie, les enfants jouaient par exemple dans le fond de la rue Major Quedinho (dans la vallée de l’Anhangabaú)[21]. Quelques années plus tard, la zone avait été aménagée pour accueillir les matchs des clubs du quartier[22]. La police intervient souvent dans ces matchs de várzea, si bien que la rubrique des faits divers n’hésite pas à rappeler que « comme d’habitude, l’équipe vaincue termina à l’hôpital et le vainqueur en prison »[23], à cause des bagarres qui ont notamment impliqué le public. Mais les autorités répriment le futebol de várzea aussi parce que de la même façon que la pelada, il coexiste difficilement avec le droit de la propriété privée. On voit sur la carte que ses terrains vont au-devant de l’urbanisation de la ville et ils entrent donc en collision avec de nouveaux projets de la municipalité qui veut ordonner le territoire et la population. Elle favorise ainsi l’édification de « stades » sur des domaines privés et avec des tribunes pour contenir un public apaisé dans un espace qui lui est dédié — ou du moins séparant de la masse l’assistance qui paye le double pour une place assise. Comme la presse, le pouvoir politique de la ville met ainsi en valeur le football officiel en ne laissant qu’une marge (littéralement) au futebol de várzea.
Les équipes qui en sont issues tout en étant considérées comme relativement respectables aux yeux des dirigeants du football officiel commencent à intégrer ses championnats. La Liga Paulista semble vouloir raffermir de cette manière son hégémonie dans le football pour s’affirmer à la fois comme l’avant-garde du sport brésilien et l’institution à même de conserver ses valeurs européennes. Mais l’acceptation des clubs plus populaires est conditionnée à un certain formalisme dans leur administration, ils doivent ainsi se démarquer des équipes de várzea dont ils faisaient partie. On peut voir un exemple de l’adoption de ce légalisme avec le CA Ypiranga, un club de la classe moyenne qui intègre la Liga en 1910, dès lors qu’il peut lui permettre de tenir tête aux clubs les plus influents dans l’administration de la fédération. Mais pour cela, il est raillé dans les colonnes des quotidiens de la bourgeoisie, que ce soit à travers les écrits des rédacteurs ou dans les courriers des lecteurs, de façon classiste en 1911[24] et raciste en 1913[25].
En 1913, un conflit mène à une scission de la Liga Paulista qui voit naître l’Associação Paulista de Sports Athleticos (APSA). Cette concurrence conduit en 1914 la Liga Paulista, à accueillir plus d’équipes pour étoffer son calendrier et remplir son stade. Elle fait donc appel à des clubs plus modestes qui n’avaient auparavant pas accès au football officiel car ne possédant pas de terrain et qui jouaient dans la várzea. La Liga engage les négociations avec des associations populaires tels que le Corinthians Paulista qui mobilise les passions de torcedores[26] de plus en plus nombreux à travers la ville. Ceux-ci sont prêts à payer une entrée pour voir leur équipe affronter quelques-uns des clubs les plus importants de la ville. Le public court alors au Parque Antarctica de la Liga Paulista malgré l’absence des clubs « tradicionais » tels que le CA Paulistano et AA das Palmeiras qui joue au vélodrome parmi l’APSA. Cette concurrence conduit aussi chacune des fédérations à inviter à l’hiver 1914 une équipe italienne : le Torino Football Club pour la Liga Paulista et une sélection italienne formée autour du Football Club Pro Vercelli dans le cas de l’APSA. Ce sont les cadres de la « colonie italienne » de São Paulo qui organisent l’accueil des footballeurs italiens[27]. L’événement les motive ensuite à créer un club dans cet esprit, dans le sillage du Corinthians Paulista quatre ans plus tôt. Le Palestra Italia naît alors et intègre l’APSA en 1916 — le football « officiel » de São Paulo est à ce moment-là toujours divisé en deux ligues. Le club n’est donc pas issu de la várzea, mais les joueurs de son équipe — choisis parmi les immigrés et descendants d’immigrés italiens — et ses supporters en proviennent en bonne partie.
En 1917 l’APSA est devenu la seule ligue de l’élite et elle a ainsi rassemblé les meilleurs clubs des deux entités. Mais le projet d’élargissement social de l’élite du football paulistain se poursuit en 1918. Afin d’accueillir des équipes encore en plus grand nombre l’APSA crée une deuxième division à son championnat qui permet d’être promu en première division en cas de victoire finale. Les clubs les plus modestes sont concentrés dans la seconde division, mais celle-ci exerce un tel attrait qu’il faut mettre en place une phase de qualification pour sélectionner ceux qui y participeraient. Toutes les équipes ne sont tout de même pas acceptées parmi le football officiel puisqu’elles doivent possèder un terrain si elle veut rejoindre la deuxième division et, pour la première, « un terrain convenable »[28]. Le futebol de várzea doit rester loin de l’élite. En 1920, c’est la création d’une troisième division, appelée Campeonato Municipal, qui va permettre de faire passer ce futebol dans le giron de l’APSA tout en le gardant à l’écart[29]. Mais l’Estado met en garde la ligue de bien observer le « noble slogan » de São Paulo : Non Ducor Duco, et ne pas se laisser gouverner par les classes populaires. La devise est également bien suivie en ce qui concerne la relation de São Paulo et de sa fédération avec le reste de l’État. L’APSA organise en effet à partir de cette année 1920 un championnat « de l’intérieur » composé de différents groupes régionaux[30], qui, dans les phases finales, se retrouvent à São Paulo. Les vainqueurs des zones de l’intérieur s’affrontent alors en ouverture d’un match du championnat de la ville, devant le public paulistain[31]. C’est certainement là un levier de plus pour activer le régionalisme des passionnés de football. Il se crée ainsi une unité et une fierté de São Paulo qui rassemble tout l’État, plutôt qu’une lutte des classes interne qui aurait pu prendre appui sur des clubs. La presse mobilise régulièrement ce régionalisme pauliste dans le cadre de son opposition avec le football carioca. « Nous » allons leur « montrer notre domination », écrit par exemple l’Estado[32] tandis que la plus populaire Gazeta convoque également un « nous, le peuple paulistain » contre « eux », « le Rio sportif, simple élève du football de São Paulo »[33].
3. Le football dans le monde de la marchandisation
A. L’argent du football…
L’engagement pour un club et son identité apparaît le plus important pour le public paulistain qui s’enflamme parfois lors des matchs. Néanmoins la classe des propriétaires a su trouver son intérêt financier dans cette situation, tout en essayant de faire respecter l’ordre si important pour eux. La passion pour le football s’inscrit au plus profond de la construction des identités et des affects qui lui sont liés et assister au match de son équipe semble la meilleure façon de les ressentir. Quelques grands clubs aménagent donc des terrains à São Paulo pour accueillir les affluences en constante augmentation dans la métropole pauliste elle-même en explosion démographique. Les billetteries représentent ainsi un enjeu de plus en plus grand pour les propriétaires qui doivent à nouveau s’organiser avec la police pour faire respecter l’ordre dans les stades, mais aussi devant leurs entrées[34]. On va pour la première fois en 1918 au-delà de 10 000 personnes dans une enceinte paulistaine[35] et plus de 30 000 en 1920[36]. Ainsi les journaux font le bilan des divers recettes (notamment des services de transport public) et comptent des dizaines de milliers de réais[37]. Les journaux influencent le public en annonçant les matchs comme de grands événements sportifs. Mais ils semblent prendre conscience que, plus que tout, c’est l’identification à une équipe et les rivalités qui provoquent l’envie de venir au stade alors ils aiment à l’exciter avec de multiples polémiques[38]. C’est le cas du duel des arquirrivais[39] qui émerge alors, Palestra Italia/Corinthians Paulista, le club des Italiens de São Paulo versus le seul club populaire issu de la várzea capable de concurrencer les grandes équipes.
Toutefois, l’économie du football est plus vaste que la question de la billetterie. En semaine, des boutiques, principalement en centre-ville, tirent profit de la marchandisation du football. Au-delà de la publicité dans les quotidiens, les magasins de sport s’engagent à doter les championnats et autres matchs de leurs équipements afin de voir leur nom cité au détour de l’article annonçant la compétition. Ainsi, la Casa Fuchs offre un ballon de sa collection pour jouer une rencontre caritative en 1914[40]. Le sponsoring consiste le plus souvent en la gratification d’une coupe par une boutique qui y voit l’intérêt d’être mentionnée dans le journal. Mais surtout, dans ce cas, l’article invite aussi le public à venir admirer cette belle récompense dans les vitrines du magasin. Ils semblent considérer ces opérations comme avantageuses puisqu’elles prolifèrent à la fin des années 1910. Les mêmes boutiques offrent désormais des coupes pour quasiment chaque match de quelques grandes équipes de la ville ou de sa sélection. Au niveau inférieur, ce modèle est reproduit par de plus petites échoppes qui parrainent des compétitions de jeunes ou des tournois de clubs de quartiers[41].
Mais plus que tout, ce sont les ventes de billets qui permettent d’attirer le public à l’intérieur même des boutiques. Si les terrains possèdent des billetteries, les ligues aiment à les mettre en vente dès le début de la semaine dans des commerces partenaires — alors que c’était plutôt au siège des clubs dans les premières années. À nouveau, ils peuvent ainsi profiter de citations à plusieurs reprises dans les journaux avant le match. Mais le principal intérêt déclaré était d’éviter les attroupements devant la billetterie avant les rencontres, et tous les troubles auxquels ils pouvaient conduire. Ces choix semblent donc eux aussi, en partie, mus par la recherche et la préservation de l’ordre. Ainsi, pour les plus grands matchs, certaines de ces boutiques peuvent même continuer les ventes de billets jusqu’au dimanche midi dans le but d’alléger un peu plus la billetterie du stade[42]. Mais en 1920, on voit que la marchandisation du football a atteint un nouvel échelon au fait que les championnats de l’élite ne sont plus les seuls à faire payer leurs entrées. Les prix sont généralement deux fois moins élevés lorsqu’il s’agit de matchs de deuxième et troisième division ou divers tournois des équipes inférieures qui se jouent dans une enceinte. Le plus souvent, on vend ces billets-ci aussi dans des commerces et cafés[43], parfois seulement dans le quartier dans lequel auront lieu le ou les matchs[44].
On passe alors très vite un nouveau cap de la publicité par le football avec l’entreprise chocolatière Lacta. Celle-ci met en place en 1920 une équipe de football pour ses travailleurs qui vont jouer sur un terrain proche de la fabrique. Elle n’est pas la première à fidéliser et divertir ainsi son personnel, néanmoins sa relation avec le football va un peu plus loin en investissant également son secteur marketing. Durant toute l’année 1920, l’entreprise achète régulièrement des encarts publicitaires dans les pages sportives de l’Estado. À la façon des dessins de presse humoristiques et satiriques, leurs publicité en viennent même à réagir à l’actualité sportive et utilise ainsi la presse d’une nouvelle manière (de Faria Cruz 2001, 71). Son caricaturiste dépeint ainsi la tonitruante victoire des Paulistes sur les Cariocas 7 buts à 1 à Rio qui plus est, une semaine après le match. Le croquis représente selon sa petite légende « le goal-keeper carioca oubliant de garder ses buts ». On le voit en effet adossé à un poteau pour déguster sa tablette de « Lacta » tandis que sept ballons entrent dans les buts[45]. Lacta se nourrit de l’événement qui alimente l’actualité du football ainsi que de la fierté pauliste pour mettre son produit en valeur. Deux ans plus tard, les joueurs de football eux-mêmes en viennent à constituer des arguments de vente. En effet, différentes marques de cigares indiquent dans leurs publicités — que l’on retrouve partout dans la presse et peut-être également dans la ville — que chaque boîte contient une carte-portrait d’une star de la ligue. Et l’emballage lui-même est orné d’un logo « APEA »[46] entouré des drapeaux des clubs qui composent la première division[47].
Le football pauliste voit alors la vedettisation de ses joueurs — qui a existé depuis le début du siècle, mais qui prend alors une nouvelle dimension — et l’influence de l’argent de la marchandisation jusqu’aux clubs. La mise en valeur de la célébrité des footballeurs passe notamment par la Gazeta qui publie de plus en plus d’articles sur les joueurs eux-mêmes à la fin des années 1910. Se multiplient ainsi les interviews, photos-portraits, informations sur l’actualité d’un joueur en particulier ou des profils détaillés qui permettent de découvrir un joueur — souvent jeune — de la várzea. En mai-juin 1918, le quotidien entreprend d’organiser un nouveau tournoi qui opposerait les champions de la deuxième division de São Paulo à ceux de Rio. Il veut donc trouver un nom pour la coupe qui sera la récompense et pour cela il met en place un concours afin d’élire un joueur actuel ou ancien dont on reprendrait le nom. Il publie régulièrement durant ces deux mois des interviews des hommes en lice ainsi que les résultats provisoires du concours qui se termine par le choix de Rubens Salles après la réception de 14 481 coupons[48].
Les clubs avaient déjà remarqué l’avantage sportif que pouvait conférer le recrutement d’un joueur[49], et ensuite le profit pour la billetterie grâce à l’attrait et la curiosité que celui-ci va provoquer sur les « aficionados » du football[50]. La synchronie de cette nouvelle vedettisation avec la disponibilité des fonds (notamment via le parrainage) donne un nouvel élan au professionnalisme. Il est notamment activé par la compétition sur le marché des transferts sud-américain (on voit principalement l’influence de Rio, Belo Horizonte, Buenos Aires et Montevideo sur São Paulo). Les clubs doivent investir d’une manière ou d’une autre pour préserver et renforcer leur effectif. Pourtant, les clubs et les institutions qui en profitent le plus à São Paulo sont également celles qui se disent opposées à ce système qui salirait les nobles valeurs du sport britannique qu’ils continuent de valoriser— bien que le professionnalisme y était en vigueur depuis 1885. Mais dans les faits, l’APEA agit beaucoup plus contre les départs[51] que contre les transferts entrants dans sa juridiction. Au paroxysme de ce double jeu, on retrouve le Paulistano qui s’assure de garder son joueur phare, le héros brésilien Arthur Friedenreich, en lui offrant un emploi. La préfecture — où les membres du directoire du club tiennent quelques hautes charges — le nomme en effet fonctionnaire public[52]. Il devait ainsi tenir le poste de greffier à l’école professionnelle masculine de São Paulo. Mais il ne semble pas vraiment qualifié pour cette fonction au vu de son parcours scolaire (Duarte 2013) et des disponibilités que demande sa pratique du football et de l’arbitrage. Il s’agirait ainsi d’un professionnalisme déguisé, comme on l’expérimente déjà dans les entreprises[53], mais cette fois promu par le pouvoir politique lui-même, pour le bien d’intérêts personnels, de classe et régionalistes.
B. … Qui organise la métropole
La municipalité est impliquée dans l’organisation et la régulation de l’élite du football, mais elle manque aussi de se laisser déborder par toute la passion populaire qui envahit la várzea le dimanche et les abords des stades les jours de grand match[54]. Entre les deux, les quotidiens jouent leur rôle de médiateur.
La presse dépasse même son support papier pour profiter et faire profiter des dernières avancées technologiques, toujours dans le cadre du football et de l’identité pauliste. Par exemple, le téléphone arrive dans le Brésil urbain à la fin des années 1910 et il peut aussi servir à échanger avec la capitale fédérale. Cela signifie que l’on pourrait enfin connaître en temps réel, l’évolution d’un match Rio São Paulo ayant lieu dans l’autre ville. Après quelques essais de la Casa Lebre (commercialisant des articles de sports) qui voulait attirer les férus de football devant ses vitrines[55], c’est le grand journal O Estado qui met toutes ses ressources au service de ce dispositif. Il avait ainsi placé son envoyé spécial au stade du Fluminense à Rio, près d’un téléphone pour témoigner de chaque événement du match à sa rédaction. Celle-ci, dans le centre de São Paulo, transmettait les informations reçues par des panneaux affichés en hauteur afin que la foule qui s’amassait sur la place Antonio Prado puisse les lire. Le journal avait d’ailleurs publié le jeudi suivant une photo significative de la passion du football qui s’était exprimée en cette circonstance. On y voit des centaines d’hommes qui remplissent la place, tous avec leur chapeau, à attendre l’évolution du match interestadual.
En 1920, l’amour du football peut donc prendre possession de la ville, de ces lieux principaux, de ses marges et de ses artères. Les joueurs, torcedores ou simples curieux, utilisent tous les transports de São Paulo pour vivre leur passion. On peut même penser que le football qui ordonne des rapports entre les quartiers plus ou moins périphériques et les communes alentour organise la ville en tant que métropole. Il lui donne notamment une unité en faisant coexister les classes sociales dans un même univers et met en rapport les quartiers les plus lointains. En effet, si de nombreux clubs s’organisent autour d’identités de quartiers ou de rues (qui se croisent avec des identités de classe et de nations), on se rencontre ensuite assez indistinctement entre ces équipes.
Figure 4 : Le football dans la municipalité de São Paulo en 1920. Élaboration de l’auteur à partir du Planta da cidade de São Paulo, de la Commisão geographica e geologica de São Paulo, 1924.
Pour vérifier cette hypothèse née de notre lecture systématique des matchs, nous avons recensé leur ensemble pour une journée de la fin de la période étudiée, le dimanche 31 octobre 1920. Nos journaux nous ont permis d’en compter 136, entre 122 clubs[56]. Nous les avons inventoriés sur 21 zones qui divisent la municipalité de São Paulo en 16 (d’au minimum 3 km²) et le reste de la métropole en cinq (deux pour le nord, une pour chaque autre point cardinal). Grâce à notre étude des associations de cette année 1920, nous avons pu localiser 86 clubs (exception faite des cinq rencontres de « championnat interne » de sociétés) et ainsi identifier l’origine des deux protagonistes dans le cas de 28 matchs. Il est particulièrement notable qu’en une unique occasion les deux équipes soient originaires du même quartier (ou groupe de quartiers) et à 13 reprises, de zones limitrophes. Plus de la moitié des confrontations totalement localisées faisaient se rencontrer des clubs relativement distants, parfois d’un bout à l’autre du territoire de la région métropolitaine. On n’observe par exemple aucun quartier privilégié pour aller jouer dans les zones est, ouest ou sud de la périphérie. Seuls les matchs de la banlieue nord semblent s’organiser autour du « tramway da Cantareira ». On joue souvent entre un club de ces villes de la banlieue nord et de l’un des quartiers nord de la municipalité de São Paulo. C’est-à-dire que les joueurs utilisent leur station de cette voie ferrée (il s’agit d’un train plutôt que d’un tramway dans notre conception actuelle) pour aller jouer plus au nord. Mais certaines villes plus lointaines de la région métropolitaine — telle Mogi das Cruzes à 50 km à l’est — demandent plus d’organisation. L’équipe paulistaine (deux clubs du centre ouest de la municipalité y jouent ce jour-là) se donne rendez-vous à l’Estação do Norte (quartier du Braz, centre est) pour partir par le train de 11h30 ou 12h. Le retour a lieu le soir si le club local organise une fête en l’honneur de leurs visiteurs qui devront impérativement attraper le dernier train, à 23 heures, pour rejoindre la capitale[57].
D’autre part, dans deux de ces matchs où l’on a également localisé le lieu de la rencontre, le quartier du terrain ne correspond même à celui d’aucun des deux clubs. Des équipes proches du centre auront donc convenu à l’avance — puisqu’il est annoncé dans le journal — de se retrouver sur un terrain relativement lointain (environ cinq kilomètres vers le sud de la ville dans les deux cas).
On a alors cherché d’autres raisons à ces rencontres — hormis les championnats de São Paulo bien sûr, qui ne concernent ici que quatre confrontations. Nous avons plus difficilement identifié des caractéristiques particulières de ces associations et nous n’y sommes parvenus que pour 20 d’entre elles pour cette journée de matchs (en grande majorité des nationalités ou des professions). Cinq clubs se fondent par exemple autour des racines italiennes de leurs membres, toutefois ; de la même façon que pour les quartiers, ils ne se rencontrent pas entre eux. Il n’y a correspondance entre les « origines » que dans les cas de deux matchs qui voient s’opposer deux équipes de maisons commerciales[58]. On sait qu’un championnat de ces entreprises existe et structure très probablement cette logique, mais ces matchs ne lui étaient pas expressément liés dans les annonces des journaux.
De la même façon, toutes ces rencontres se fonderaient donc sur une simple concordance des niveaux sportifs de leurs équipes. La très grande majorité des matchs de la várzea ne semblent pas organisés au sein d’une compétition. Néanmoins, les clubs se rencontrent rarement plus de deux fois dans une année. Une rotation harmonise les relations de ces associations qui distribuent leurs matchs sur les différents quartiers de l’agglomération. En ce 31 octobre 1920, les matchs de football référencés par la presse concernent donc environ 3000 joueurs. Le chiffre peut paraître important dans un premier temps ou insignifiant si on le compare à la population de la métropole (700 000 habitants). Mais on peut imaginer beaucoup de parties plus informelles qui n’arrivent pas jusqu’aux colonnes des journaux. En outre, les matchs mentionnés n’impliquent pas que les hommes sur le terrain. Les entourages des clubs vont aussi se mobiliser alentour, dans le quartier, et parfois se déplacer tout comme les supporters et supportrices. Certains de ces matchs réunissent ainsi 2000 ou 3000 personnes, quand ils ont lieu sur un terrain le permettant. Ce sont toutefois surtout les rencontres de la première division de l’APEA qui peuvent rassembler des spectateurs et spectatrices venues de toutes parts. C’est particulièrement le cas du Palestra Italia qui fédère autour de la fierté de l’origine italienne. Il rassemble ainsi plus de 30 000 personnes dans les tribunes et la geral du Parque Antarctica dont il vient de prendre le contrôle[59] pour les deux matchs les plus importants de cette saison 1920.
Les transports intra-urbains sont alors pris d’assaut. À tel point qu’ils deviennent capitaux pour le football de São Paulo et nourrissent des séries d’articles sur leur qualité et les incidents qui se multiplient en ces jours de grands matchs[60]. Cette préoccupation arrive même dans les débats de la chambre municipale, à travers les conditions du partenariat public-privé avec la compagnie Light & Power. Certains conseillers municipaux vont en effet reprocher au prestataire du service, à la recherche d’un profit maximum, de mettre tous ses moyens sur les seules lignes qui desservent le stade, aux dépens des autres utilisateurs[61]. On peut ajouter qu’à la façon de ces supporters, les joueurs des matchs inférieurs évoqués précédemment ne sont peut-être pas, eux non plus, issus du quartier du club.
Conclusion
On a ainsi pu souligner les conditions sociales des débuts du football à São Paulo et comment elles ont influencé l’évolution et les différents aspects de cette culture émergente. Leur étude a permis de mieux comprendre la vie quotidienne dans la jeune métropole et en quoi ils la consacrent en tant que telle. À l’image de l’agglomération de São Paulo, le football est vite devenu divers et a illustré à la fois l’éducation cosmopolite de la bourgeoisie pauliste et sa volonté de modernisation et, d’autre part, la vitalité culturelle des franges les plus modestes de la population. Étant laissées libres dans leur appropriation (hooks 1992), celles-ci ont en effet pu produire différentes façons (Certeau 1990) de jouer au football, consubstantielles à cette métropole, tels les peladas et surtout le futebol de várzea. On a aussi pu commencer à distinguer que la naissance de cette nouvelle passion a certainement représenté la participation populaire à la constitution d’une industrie culturelle de masse pilotée par la bourgeoisie. Le football changeant, l’élite semble en effet y voir une nouvelle façon d’en profiter en s’en servant toujours pour installer son hégémonie culturelle et économique. Mais le bouillonnement démocratique des centaines de clubs et autres jeux improvisés dans São Paulo exprime plus que cette tendance à l’aliénation. Pour distinguer tous ces aspects les plus vernaculaires, il nous faudra certainement à l’avenir regarder ce premier paysage, superficiel, avec des lunettes de la « race », du genre ou encore en observant le discours de plus près. C’est ainsi que nous pourrons poursuivre l’étude de la construction d’une culture populaire dans la métropole de São Paulo sur les décennies suivantes.
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Notes de fin:
[1] Nous utilisons le terme « paulistain » comme traduction de paulistano, celui qui vit dans la ville de São Paulo. L’expression « pauliste » définit en revanche l’habitant de l’État de São Paulo.
[2] Selon le groupe de presse actuel : https://acervo.estadao.com.br/historia-do-grupo/decada_1900.shtm consulté le 29 novembre 2023.
[3] Correio Paulistano, 12 juillet 1907.
[4] O Estado, 11 février 1908.
[5] O Estado, 27 octobre 1902.
[6] Synonyme de “vagabonds” dans les notices de la presse d’alors, et donc socialement disqualifiant.
[7] Nous identifions ainsi une « démocratisation » à São Paulo du « sport britannique » plus précoce que ne l'a fait l'historiographie classique du futebol. Celle-ci s'est en effet davantage concentré sur le football officiel et son discours qui les a conduits à une focalisation exagérée sur les débats du professionnalisme ne sachant ainsi pas distinguer la démocratisation qui était déjà en route puis l'hypocrisie du Paulistano à ce propos, sur laquelle nous reviendrons plus loin. (Caldas 1989)
[8] Correio Paulistano, 2 novembre 1907.
[9] Correio Paulistano, 7 février 1907.
[10] O Estado, 7 juillet 1905.
[11] O Estado, 25 août 1911.
[12] Du latin que l’on peut traduire en « je ne suis pas conduit, je conduis ».
[13] O Estado, 4 juillet 1908.
[14] Ici pour l’Argentine, O Estado, 9 juillet 1908.
[15] O Estado, 30 août 1910. Et l'on peut ajouter que le choix et la célébration de cette équipe anglaise en particulier souligne la direction que les journalistes et dirigeants du football officiel veulent que le football pauliste suive. Il s'agit en effet d'une équipe aristocratique qui met l'accent sur son statut amateur et leur style « gentlemen » alors que le professionnalisme est institutionnalisé depuis 1885 au Royaume-Uni. (Taylor 2007, 83‑85)
[16] Les plus grands matchs de championnat des années précédentes rassemblent plutôt autour de 5 000 personnes, tandis que des matchs contre les sélections cariocas ou argentines avaient réuni 8 000 spectateurs en 1906 et 1908.
[17] O Estado, 3 septembre 1910.
[18] Correio Paulistano, 28 septembre 1913.
[19] On pourrait le traduire grâce à la figure du « titi » parisien ou encore du « pibe » de Buenos Aires.
[20] O Estado, 17 janvier 1913.
[21] O Estado, 17 octobre 1904.
[22] O Estado, 2 février 1920.
[23] Correio Paulistano, 1er août 1910.
[24] Un lecteur fait ainsi une imitation des membres du CA Ypiranga en écrivant avec un grossier accent paysan, Correio Paulistano, 18 août 1911.
[25] Le lecteur publié déclare cette fois, après un courrier virulent contre le CA Ypiranga, qu’il « n’aime ni la couleur, ni le nom de S. Benedicto » un saint noir, O Estado, 7 septembre 1913.
[26] « supporters »
[27] O Estado, 19 juin 1914.
[28] O Estado, 10 février 1920.
[29] O Estado, 10 décembre 1920.
[30] O Estado, 1er février 1920.
[31] O Estado, 28 mars 1920.
[32] O Estado, 21 mai 1920.
[33] A Gazeta, 29 juillet 1920.
[34] O Estado, 11 décembre 1920.
[35] 12 000 à la Floresta pour un match de son propriétaire le Palmeiras contre le Corinthians puis 15 000 dans le même stade contre le Palestra Italia. Le Jardim America accueille lui aussi 15 000 personnes quand son propriétaire le Paulistano reçoit le Palestra Italia.
[36] À deux reprises au Parque Antartica pour des matchs du Palestra Italia.
[37] A Gazeta, 17 août 1920.
[38] A Gazeta, 30 novembre 1920, notamment.
[39] “archi-rivaux”
[40] O Estado, 15 novembre 1914.
[41] Correio Paulistano, 4 octobre 1918.
[42] O Estado, 24 avril 1920.
[43] Correio Paulistano, 30 janvier 1920.
[44] En effet ces tournois sont souvent entre plusieurs équipes dans des matchs qui s’enchaînent tout au long d’une après-midi.
[45] O Estado, 13 juin 1920.
[46] Les nouvelles initiales de l’APSA après la nationalisation des termes du football puisque le « S » de « sports » est devenu le « E » de « esportes ».
[47] A Gazeta, 8 février 1922.
[48] A Gazeta, 20 juin 1918.
[49] En 1911 la disparition du Sport Club Internacional a donné lieu à la récupération de ses meilleurs joueurs par le CA Paulistano, on les évoque dans le journal avec les mots « les nouveaux éléments acquis par le Paulistano », mais rien ne fuite des conditions financières de ces mouvements… O Estado, 24 avril 1911.
[50] O Estado, 3 mai 1914.
[51] A Gazeta, 10 décembre 1920.
[52] A Gazeta, 12 août 1920.
[53] O Estado, 11 décembre 1918.
[54] D'une certaine façon, on retrouve donc dans le football l'action directe des classes populaires et son autogestion en contrepoint de la politique oligarchique au niveau municipal à l'image des luttes politiques nationales notamment sous l'influence des anarchistes des années 1915-1920. (Fausto 2016, 100‑124)
[55] O Estado, 6 juillet 1918.
[56] Puisqu’une confrontation entre deux clubs donne le plus souvent lieu à deux ou trois matchs entre les équipes A, B et C.
[57] Le fameux Trem das Onze (https://fr.wikipedia.org/wiki/Trem_das_Onze), que l’on connaît également sur le réseau métropolitain parisien.
[58] Il s’agit de leurs employés d’après les statuts de la fondation des clubs.
[59] O Estado, 9 mai 1920.
[60] O Estado, 16 août 1920.
[61] Correio Paulistano, 6 avril 1920.
Pour citer cet article :
Yohann Lossouarn, « Les conditions sociales du développement du football de São Paulo (1900-1920) », RITA [en ligne], n°17 : septembre 2024, mis en ligne le 30 septembre 2024. Disponible sur: http://www.revue-rita.com/dossier-thematique-n-17-articles/les-conditions-sociales-du-developpement-du-football-de-sao-paulo-1900-1920-yohann-lessouarn.html