La « littérature marginale » au Brésil : définir, lire, traduire
The “marginal literature” in Brazil: defining, reading, translating
Résumé
Au Brésil, l’expression « littérature marginale » peut être synonyme d’un style d’écriture, de certains textes ou de certain.e.s auteur.e.s. Au cours des dernières années, les récits qualifiés de « marginaux » mettent en scène des personnages habituellement absents de l’histoire littéraire du Brésil. Cependant, le concept est souvent associé à des œuvres et des auteur.e.s qui utilisent le terme dans leurs manifestes ou entretiens. Cet article questionne la littérature « marginale » brésilienne à partir de l’étude de l’emploi de cet adjectif depuis les années 1960, des œuvres reconnues comme « marginales » et de la perception éditoriale de ces textes. Nous envisageons d’abord d’identifier des caractéristiques spécifiques de cette production. Pour ce faire, nous étudions la notion de littérature « marginale » au Brésil au XXIe et son rapport avec la « marginalité » des années 1960 et 1970. Dans un deuxième temps, nous analysons les romans de Ferréz Capão Pecado et Manuel pratique de la haine. Enfin, nous proposons une réflexion sur les limites de la réception de cette littérature marginale. Pour atteindre cet objectif, nous prendrons le cas du roman Amanhã quero ser vento, de Michel Yakini, et la traduction française du roman de Plínio Marcos, publiée sous le titre de Kéro, un reportage maudit.
Mots clés : Littérature marginale brésilienne ; Traduction ; Ferréz ; Plínio Marcos ; Michel Yakini.
Summary
In Brazil, “marginal literature” can be synonymous of a style of writing, or some types of texts and authors. In the recent years, narratives seen as “marginal” involve characters that are mostly absent from Brazilian literary history. However, the concept of “marginal” is also often associated with works and authors that use this word in their manifestos or interviews.
This article studies Brazilian “marginal literature” from the use of this adjective since the 1960s, in works well-known as “marginal” and through the editorial perception of these texts. At first, the paper identifies the characteristics of this production, examining the notion of “marginal literature” in Brazil in the Twenty-First Century and its connections with the “marginality” of the 1960s and 1970s. After that, Ferrez’s novels Capão Pecado and Manual Prático do ódio is analysed. Finally, in order to measure the limits of the editorial understanding of “marginal literature” as its used nowadays, Michel Yakini’s novel Amanhã quero ser vento and the French translation of Plínio Marcos’ novel Uma reportagem maldita (Querô) are examined.
Key words: Brazilian marginal literature; Translation; Ferréz; Plínio Marcos; Michel Yakini.
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Vinícius Carneiro
Enseignant
Université de Lille
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Reçu le 11 octobre 2020/Accepté le 12 juillet 2021
La « littérature marginale » au Brésil: définir, lire, traduire
Introduction
L’impulsion originelle de la démarche comparatiste, sa raison d’être, sa méthodologie : l’ouverture à l’autre, à celui qui n’écrit pas comme nous, qui ne pense pas comme nous — qui est lui-même, dans sa différence et son originalité. (Brunel, Chevrel, 1989)
Les processus d’universalisation du capitalisme occidental ont déterminé certaines conditions politiques, sociales, environnementales et existentielles qui accélèrent la barbarie systémique de notre temps. Les débats sur la littérature, la culture et l’identité, en particulier dans les pays périphériques, présentent différentes filiations théoriques – alignées ou non sur cette perspective d’universalisation –, complexifiant le débat sur la production de connaissances et les réalités urgentes de la société. En conséquence de ce processus, les études littéraires traditionnelles sont confrontées à l’émergence de productions culturelles et théoriques dites « marginales », lesquelles forcent à reconnaître la localisation géographique comme un facteur majeur dans les processus de production de savoir et d’art. De nos jours au Brésil, les productions artistiques et critiques d’un quartier de la périphérie de São Paulo, autoqualifiées de « marginales », constituent des exemples poignants de ce phénomène. Mais finalement, comment caractériser ce mouvement culturel ?
Le concept de « littérature marginale » s’est en effet transformé au cours des dernières décennies au Brésil. Il peut être synonyme d’un style d’écriture, de certains textes ou d’auteur.e.s spécifiques. Thématiquement, ces œuvres relaient les voix de ceux et celles qui tendent à être absents de la littérature brésilienne, indépendamment de la classe sociale de l’auteur ou de l’autrice du texte. Souvent, le concept est associé à des écrivain.e.s qui utilisent ce qualificatif dans leurs manifestes ou entretiens pour autodéfinir leur production littéraire. Au cours des dernières années, le concept a principalement été associé à des œuvres ayant vu le jour dans les périphéries urbaines, pour leur propre public, ignoré du marché de l’édition brésilien. C’est comme si les sujets périphériques pouvaient enfin s’exprimer. Cette constatation contredit la pensée de la théoricienne de la littérature et critique littéraire contemporaine Gayatri Chakravorty Spivak (2009), selon laquelle les subalternes ne peuvent aucunement parler. D’après Spivak, lorsque les subalternes s’expriment et revendiquent une identité culturelle collective, le logocentrisme et la médiation inévitable des intellectuels occidentaux les renvoient à leur position subordonnée dans la société. D’un point de vue conceptuel, Spivak a complètement raison : cette littérature marginale sera toujours ceinturée, limitée, car toujours délimitée par l’adjectif qui la définit. Alors, qualifier une littérature de « marginale » a un double effet : d’un côté, elle gagne de la visibilité et des lecteurs ; de l’autre, elle est enfermée par cet adjectif.
Cet article prétend questionner les conséquences de cette position marginale de la littérature. Pour ce faire, nous envisageons, dans un premier temps, de rendre compte de la notion de « littérature marginale » au Brésil, à quels œuvres et groupes elle est associée, pour essayer de mieux comprendre les particularités de cette production. Dans un deuxième temps, notre objectif sera de comprendre ce qui peut être qualifié de « marginal » dans une œuvre. Pour ce faire, nous partirons des romans de Ferréz Capão Pecado [Capão péché], de 2000, et Manual prático do ódio, de 2003 – ce dernier ayant été publié en France en 2009 sous le titre de Manuel pratique de la haine. Dans un troisième temps, nous proposerons une réflexion sur les limites de la perception éditoriale de la littérature marginale, au Brésil et en France. À cette fin, nous parlerons du roman Amanhã quero ser vento [Demain je veux être le vent] (2018), de Michel Yakini, un auteur perçu comme « marginal », mais dont la production ne correspond pas totalement à l’attente du public ; en outre, nous parlerons des partis-pris de la traduction française du roman de Plínio Marcos Uma reportagem maldita (Querô), publié en 1976 – à savoir, Kéro, un reportage maudit (2015a).
I. L’adjectif « marginal » : une histoire sans fin
L’apposition de l’adjectif « marginal » au terme littérature recouvre des emplois et des significations différentes, donnant lieu à un large éventail de directions. Selon Érica Nascimento (2006), le terme « marginal » est tour à tour utilisé pour désigner les publications littéraires produites et diffusées à la marge du système d’édition brésilien – c’est-à-dire, sans passer par les grandes maisons d’édition – ; celles qui ne font pas partie ou sont opposées aux canons établis – dont le protagoniste n’est pas un homme, blanc et urbain, selon Regina Dalcastagnè[1] (2008 : 87-110) – ; celles qui sont écrites par des écrivain.e.s provenant de groupes sociaux marginalisés ; ou encore celles qui thématisent ce qui est propre à celles et ceux considérés comme marginaux et à leur environnement – violence, pauvreté, inégalité, etc.
De plus, la production artistique marginale est perçue comme hybride (car elle mélange la musique, la littérature, la photographie et l’art visuel) et fréquemment faite par un groupe d’artistes. Ces deux caractéristiques vont contribuer à créer l’idée d’une collectivisation énonciative où, différemment de Stéphane Mallarmé[2], représenter le territoire est plus important que représenter un individu, un.e protagoniste. Cette proéminence du collectif est survenue après la publication des numéros de 2001, 2002 et 2004 du magazine Caros Amigos, quand le terme « marginal » en est venu à référer à l’idée d’action collective, donnant au mouvement de la littérature marginale une très forte notoriété au Brésil (voir Zibordi, 2004).
Le grand nom de cette production est Ferréz (1975-, pseudonyme de Reginaldo Ferreira da Silva), écrivain et rappeur d’origine modeste, et leader communautaire de la favela de São Paulo Capão Redondo – où le taux d’homicides est l’un des plus élevés du Brésil. Selon Ferréz, les productions littéraires contemporaines des artistes originaires de la périphérie et parlant de cette périphérie sont marginales, comme l’étaient, en leur temps, les textes des auteur.e.s brésilien.e.s Carolina Maria de Jesus (1914-1977), écrivaine de la périphérie de São Paulo, João Antônio (1937-1996), prosateur connu pour raconter les histoires des ouvriers et marginaux des zones urbaines, ou encore Chacal (1951-), poète carioca blanc de classe moyenne, qui a mis au point une nouvelle manière de publier sa production littéraire : le miméographe[3].
Si l’on se limite aux grands travaux académiques sur la littérature marginale du XXIe siècle[4], les principaux arguments pour définir les textes de Ferréz et de ses pair.e.s seraient l’aspect territorial d’une part – une production de la périphérie faite pour la périphérie – et l’aspect collectif de la production des écrivain.e.s d’autre part – lesquels, comme de nombreux rappeurs, utilisent fréquemment des pseudonymes[5]. Pour mieux comprendre les implications et les limitations induites par l’utilisation de cet adjectif, étudions les particularités du Manuel pratique de la haine[6].
Le deuxième roman de Ferréz présente un narrateur omniscient, qui raconte la trajectoire d’un groupe de criminels : Lúcio Fé, Celso Capeta, Aninha, Mágico et Neguinho da Mancha na Mão. Ce groupe prépare un grand cambriolage et aspire ainsi à gravir les échelons du crime organisé. D’autres criminels, des résidents des favelas ainsi que d’autres sujets qui ne font que traverser la périphérie, prennent eux aussi part au roman. Ce faisant, le récit nous présente des personnages entretenant des rapports divers à la favela : certains viennent de l’extérieur pour y passer et ne font qu’y passer ; d’autres en partent pour y retourner ; d’autres encore se maintiennent au sein de ses limites. La place centrale de l’aire géographique entretient des liens étroits avec la voix affective qui conduit l’histoire, ayant pour effet la formation d’un « narrateur territorial », selon Alexandre Silva Damascena (2015). Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il y ait, dans Manuel pratique de la haine, « une voix de la périphérie » ou « une voix collective », caractéristique fondamentale de la littérature marginale.
À contre-courant d’études notables dans lesquelles l’adjectif « marginal » est une clé interprétative[7], notre tendance est de particulariser ce roman, en le détachant du « territoire » et du « collectif », même si cela peut sembler paradoxal.
Commençons par le changement anthroponymique de l’auteur : il s’agit d’une procédure similaire à celle utilisée par les rappeurs, ainsi que par les poètes de la poésie marginale des années 1970, plus connue comme Génération Miméographe et évoquée dans le manifeste de la littérature marginale « Terrorisme littéraire » :
La génération des poètes du miméographe a été utile, mais la guerre est plus grande maintenant, les grands médias sont là, avec plus de 50% d’annonceurs par édition, jouant l’illusion que vous devrez avoir en tête (Ferréz, 2005b)[8].
Parmi les poètes qui ont participé à cette Génération Miméographe, caractérisée par l’autoédition, plusieurs sont connus sous leurs pseudonymes, tels que Chacal, Ledusha, Cacaso et Glauco Mattoso. Ces pseudonymes ne sont donc ni nouveaux dans le système littéraire brésilien ni exclusifs aux ghettos. On pourrait affirmer la même chose quant à l’aspect collectif de la littérature marginale. Afin d’illustrer notre propos, citons la première édition de Capão Pecado, publiée par la petite et alors jeune maison d’édition Labortexto, un roman fréquemment considéré comme une œuvre collective et hybride. Chacune des cinq parties du livre s’ouvre par des collaborations d’artistes liés à la périphérie, tels que les rappeurs Mano Brown, Cascão et Negredo, et les groupes de rap Outraversão et Conceito Moral. À cela s’ajoutent 37 photographies du quartier de Capão Redondo divisées en deux séries, l’une en couleur et l’autre en noir et blanc (Ferréz, 2000), montrant la pauvreté et la précarité de la région[9].
Cependant ce mélange de littérature, de musique (on peut penser aux contributions des rappeurs dans Capão Pecado, mais aussi à l’album de rap de Ferréz, Determinação, sorti en 2003) et d’arts visuels (les photographies qui composent la publication de la maison Labortexto), même associé à un manifeste (une production typique des mouvements), n’est pas, comme nous allons le voir, nouveau dans le champ artistique brésilien. Il ne constitue pas non plus un indicatif solide de travail collectif, bien que nous puissions tout d’abord observer, dans le premier roman de Ferréz, la subordination d’une logique d’auteur à un collectif. Les contributions des autres agents disparaissent en effet dans la réédition de Capão Pecado chez Objetiva (Ferréz, 2005a), une grande maison d’édition brésilienne, et ne seront plus présentes dans les livres ultérieurs de l’écrivain.
L’association de la littérature avec d’autres arts, évoquée ci-dessus, a déjà, par le passé, constitué l’épicentre esthétique du mouvement culturel tropicaliste, à la fin des années 1960. Le tropicalisme contestait le nationalisme et la musique populaire brésilienne de l’époque, en incorporant à sa proposition esthétique la poésie concrète, le rock et, entre autres traditions musicales typiquement brésiliennes, la samba. De nombreux artistes ont fait partie de ce mouvement, tels que les musiciens-écrivains Caetano Veloso et Jorge Mautner, le poète-compositeur Carlos Capinan, le compositeur-poète-cinéaste Torquato Neto et le plasticien-designer Rogério Duarte. Par conséquent, être un artiste hybride, écrivain et musicien, ou réaliser une œuvre hybride ne sont pas des arguments avérés pour déterminer ce qu’est la littérature marginale, car d’autres productions artistiques ont fait de même et n’appartiennent pourtant pas à cette catégorie.
De plus, l’absence de réels protagonistes ne semble pas être un indicateur fort de la collectivisation énonciative (et donc de la marginalité) de cette littérature. Nous ne sommes pas en train de nier la dilution élocutoire à l’œuvre dans Capão Pecado, similaire à celle de Cité de Dieu de Paulo Lins, de 1997 (2012). Ce best-seller est lui aussi caractérisé par le rassemblement (avec un narrateur omniscient) de personnages périphériques, dont la fonction est de raconter l’histoire d’une favela à Rio de Janeiro. La différence est que la disparition élocutoire chez Ferréz (conséquence de l’omniscience narrative) sert plutôt à construire un texte-organisme (dans Capão Pecado) et à exposer les mécanismes d’exploitation qui mènent à la violence entre les personnages (dans Manuel pratique). Ainsi, l’absence de protagonistes n’est définitivement pas synonyme d’une « collectivisation énonciative » ou d’un « territoire protagoniste ».
Les traits de territorialisation que l’on retrouve chez Ferréz et Paulo Lins ne sont pas non plus suffisants pour apposer l’adjectif « marginal » à ces romans. La référence au nom du quartier dans les titres Capão Pecado (jeu de mots avec le nom du quartier Capão Redondo) et Cité de Dieu (homonyme du quartier à Rio), ou la presque omniprésence du lieu, témoignent de la connexion des personnages à l’espace, mais ne garantissent pas l’avènement d’une voix collective territorialisée. Dans ces deux productions faisant référence aux quartiers, les constructions discursives ambiguës du discours indirect libre sont étroitement liées à leurs projets littéraires, dont la genèse et l’action se situent dans des régions métropolitaines sensibles. Mais ces projets aux stratégies énonciatives spécifiques, porteuses de certaines intentions au niveau du récit, ne peuvent pas être vus comme le résultat d’un même phénomène littéraire[10].
II. L’œuvre « marginale » : une approche analytique
En vue de repenser cette production dite « marginale », cherchons tout d’abord à analyser l’une de ses œuvres les plus connues, Manuel pratique de la haine, où l’on retrouve certaines caractéristiques de Capão Pecado. Dans ce roman, les personnages sont présentés à travers leurs actes, pensées et réflexions, le plus souvent à partir de l’hybridation de la voix du narrateur, des habitants et de ce qui passe par le territoire. Ainsi, le narrateur de Manuel pratique cherche à mettre en évidence l’exploitation de ses égaux au moyen de paragraphes et de chapitres systématiquement emphatiques. Parfois, sa position est moraliste, surtout quand il inonde le récit de ses jugements et conclusions, d’après Mário Augusto Medeiros Da Silva (2011 : 404-405).
Rodrigo marchait sur le même trottoir, étudiant au collège Saint-Louis situé dans le quartier de Jardins, l’élève passa inaperçu car il avait troqué son uniforme contre des vêtements plus simples pour rentrer chez lui, tout le monde avait adopté cette pratique après l’agression de quelques camarades sur le chemin de retour du collège, les victimes étaient toujours des jeunes âgés de quatorze à seize ans, tout comme les voleurs, la seule différence entre les jeunes voleurs et les jeunes volés est le mur social qui divise le pays (Ferréz, 2009).
En ce sens, le narrateur joue un rôle fondamental, nous exposant à la logique de l’habitant de la périphérie, dont la compréhension du monde est économiquement et socialement circonscrite. Il parle fort pour réussir à se faire entendre. Ce ton pédagogique du narrateur (voir notamment la fin de l’extrait plus haut) est donc lié à la présentation d’un périmètre urbain d’un point de vue particulier, ce qui est rare dans la tradition littéraire brésilienne. Pour tenir compte de la complexité des événements et des acteurs de ce roman, l’artifice imaginé est l’utilisation du discours indirect libre, faisant de Manuel pratique un « labyrinthe de pensées », selon Renato Souza (2010 : 125). Par exemple, beaucoup d’extraits signés à la fois par le narrateur et par l’un des personnages révèlent les angoisses, les dilemmes, les rêves, les rêveries, les ambitions ou encore les opinions de ceux qui y sont présentés. Une telle stratégie permet une représentation non stéréotypée, tel que l’illustre le personnage de Paulo, habitant de la favela et lecteur de classiques littéraires comme Anton Tchekhov, Hermann Hesse et Maxime Gorki.
Cet extrait révèle aussi une autre caractéristique du roman, qui nous accompagne pendant toute la lecture du livre : l’auteur dote son narrateur d’un pouvoir d’inclusion, anticipant autant un lecteur périphérique qu’un lecteur blanc brésilien typique, issu de la classe moyenne. La publication de Manuel pratique en 2003 par la maison d’édition Planeta, grande maison d’édition brésilienne, suggère que le texte a comme horizon d’attente ces deux archétypes de lecteurs (Jauss, 1978 : 23-88). Et, quand le lecteur historiquement favorisé fait partie de l’horizon d’attente du livre, il se reconnaît dans le récit comme appartenant à une tranche sociale responsable d’oppression et d’exploitation. Le récit fonctionnerait alors comme un miroir brandi face au lecteur qui habite loin de la périphérie, pour qu’il s’y contemple représenté en agent social.
Nous constatons donc que la « littérature marginale » est moins marginale que ce que l’on imagine, car ses caractéristiques les plus remarquables sont, d’une part, de parler tout à la fois à des lecteurs issu.e.s de la périphérie et externes à cette dernière, et d’autre part, de présenter un narrateur moraliste-pédagogue, tout en étant produite par des auteur.e.s de la périphérie. Mais quelles sont les possibilités discursives d’un narrateur originaire de la périphérie et imaginé par un écrivain issu du même milieu ? Le roman de Michel Yakini Manhã quero ser vento, de 2018, nous livre quelques pistes de réflexion. Ce roman raconte l’histoire de Manandi, une femme née et élevée dans le village Vila Distância. Fatiguée par un mariage oppressant, elle part pour la grande ville de Segredo et laisse derrière elle filles, mère et mari, avec lesquels elle maintient des relations épistolaires fertiles. Dans la métropole, Manandi essaye de reconstruire sa vie dans un environnement simultanément hostile et attractif. Elle va alors se découvrir de nouvelles passions, ressentir le désir de revoir ses filles et retrouver son père déjà décédé.
Dans le récit de Yakini, ainsi que dans Manuel pratique de la haine, le narrateur « non privilégié » cible en même temps un lecteur familier de son milieu social et un lecteur plus privilégié, ce qui signifie, dans le contexte brésilien, d’avoir bien mangé tout au long de sa vie et d’avoir étudié dans des écoles privées. Dans Manhã quero ser vento, on peut faire le lien avec une tradition littéraire soi-disant classique, toute de lyrisme, et une sorte de réalisme magique (par exemple dans l’œuvre de Mia Couto[11]), comme dans l’extrait suivant :
Un jour, le petit Quinzinho, un garçon élevé par son père, et Zégalinha étaient là parce qu’ils voulaient s’envoler, ils voulaient remplir leur bouche de nuages. Et au bout de la rue, apparut une foule de gens. Attendez, il s’est passé quelque chose, attendez, attendez, je vais voir…
Ça grouillait de monde, des gens venant de la rue en contrebas, grimpant sur le toit, saturant la place, tout ça pour voir ce qui s’était passé. Et ceux qui posait la question étaient immédiatement invités à regarder… Regardez donc le garçon là-haut… Regardez donc là-haut…
[…]
(Yakini, 2018 : 72)[12].
À ce lyrisme, qui anthropomorphise les vêtements et leurs mouvements, le texte incorpore une tradition marquée par l’oralité, comme le montrent les anthroponymes Donaparecida [M’dam Aparecida], Donanina [M’dam Anina] et Paidasmenina [Pèredesp’tites]. Ce mélange de tradition écrite et orale, le discours du narrateur et la variété des petites histoires, dépassant la compréhension du monde et la connaissance du narrateur lui-même, forment un roman polysémique, provisoire et pluriel. De cette façon, le roman pave une voie alternative visant à déchiffrer et à exposer l’expérience périphérique, pleine d’insatisfactions et d’ennuis, mais aussi de discernements mûrs et éclairés d’hommes et de femmes lucides sur leur vécu.
Il ne serait pas faux d’affirmer que les différentes voix du roman de Yakini se rapprochent du projet du Manuel pratique. Néanmoins Manhã quero ser vento introduit d’autres éléments, tels la forte présence de l’imaginaire féminin, de l’espace rural et un langage poétique. Ce mélange de lyrisme, de rêverie, d’oralité et de polysémie permet d’esquisser des profils pluriels, de genres, de races, de classes et de religions diverses, composant un roman avec « le caractère indomptable du vent », pour reprendre les mots de Julio Bastoni (2018).
III. L’œuvre « marginale » : une approche éditoriale
Toutefois le roman a rencontré des difficultés à être publié. C’est en 2018 seulement, après presque trois années de recherches, que Yakini a fini par trouver une maison d’édition acceptant de le publier au Brésil. Pour le moment, les éditeurs étrangers n’ont pas été très accueillants eux non plus. Ces difficultés à publier au Brésil et à l’étranger semblent avoir la même origine : le récit ne peut pas être classé dans la lignée des romans noirs sur la périphérie, il n’est pas non plus un roman coup-de-poing visant à déstabiliser une partie des lecteurs, car trop poétique et peu violent. Afin d’étayer cette affirmation, rappelons que c’est dans les années 2000, dans le contexte brésilien effervescent d’une littérature qualifiée et autoqualifiée de « marginale », qu’ont été fondées les éditions Anacaona en France. Elles ont fait leurs débuts avec la traduction du roman Manuel pratique de la haine en 2009, suivie entre autres par celles d’œuvres d’Ana Paula Maia (1977-), Marçal Aquino (1958-), Raquel de Queiroz (1910-2003) et José Lins do Rego (1901-1957). Cette ligne éditoriale nous permet de mieux comprendre les difficultés de Yakini.
Anacaona constitue une exception nécessaire dans le champ littéraire français. Il s’agit, pour commencer, de la seule maison d’édition française dédiée à la littérature brésilienne et dont le choix éditorial est de publier la production littéraire et artistique de minorités marquées par le métissage et la diversité. Cela représente une contribution inestimable à la diffusion des productions littéraires marginales de l’Amérique lusophone. Nous pouvons en revanche penser que ce choix peut, paradoxalement, entrer en contradiction avec son propos, qui est celui de promouvoir la littérature des plus défavorisés. En dehors de quelques titres notables, les livres publiés par Anacaona mettent en scène des personnages démunis dans un contexte de violence, ou encore des personnages violents dans un contexte de pauvreté. Il est difficile d’imaginer que des textes comme celui de Yakini puissent trouver une place dans un tel cadre. Ce choix éditorial pourrait donc constituer une impasse pour une littérature marginale qui aborderait d’autres problématiques, thématiques et styles.
Qui plus est, les pratiques de traduction des récits brésiliens peuvent nous amener à des culs-de-sac, si l’on considère l’importance du langage dans la représentation de la marginalité. La version française de Querô – uma reportagem maldita (1976), intitulée Kéro, un reportage maudit, traduite par Melenn Kerhoas et sortie en 2015, en est un bon exemple. L’auteur du roman est Plínio Marcos (1935-1999), dramaturge et écrivain de la seconde moitié du XXe siècle. À travers un discours ironique, presque cynique, le roman Kéro alterne confessions, monologues, flux de pensées, flashbacks et dialogues. Le personnage principal du livre est Jerônimo da Piedade, le fils d’une prostituée qui s’est suicidée par ingestion de kérosène. Le surnom Kéro lui est donné peu de temps après qu’il est devenu orphelin, au moment où il est recueilli par Violeta, la propriétaire du bordel où sa mère travaillait. Ce surnom ponctue son entrée dans une vie d’humiliations et de violences. Dans sa fuite éternelle en quête de liberté, le protagoniste est sans cesse opprimé par son environnement social. Sa seule voie de sortie est la haine. À travers sa narration, nous allons découvrir trois années de l’existence tragique de Kéro de kérosène.
En ce qui concerne le langage du roman, on peut dire qu’il s’agit d’une œuvre au style caustique et épuré, dès le début du roman :
La vie, c'est comme ça : soit tu nais sous une bonne étoile, soit tu nais dans la merde. Dès le départ, y a ceux qu’ont tout et y a ceux qui s’en prennent plein la gueule. Y a rien à faire contre ça. C’est dégueu, mais c’est la loterie (Marcos, 2015a : 9).
Les phrases sont, dans leur grande majorité, laconiques et rugueuses. Les adjectifs sont rares. Il y a peu de descriptions de lieux et d’indications temporelles. Les néologismes y sont récurrents, majoritairement des néologismes sémantiques, des dérivations, des compositions, des troncations, des redoublements et des emprunts.
Une constante attention portée à la cadence effrénée et aux innovations fait du discours de Kéro un langage neuf et poétique. Au sein de celui-ci, il apparaît que la priorité est donnée au rythme et à la progression textuelle ; un soin particulier est apporté à la recréation de l’oralité, avec toutes ses interruptions, ses failles et ses pléonasmes. Nous ne parlons pas d’un niveau d’épuration à la manière du langage de João Guimarães Rosa (chez qui l’on trouve une rencontre inventive entre la verve populaire et la plus haute érudition[13]), mais d’une construction linguistique qui émerge pour donner à connaître la tragédie de destins souvent invisibles.
Devant la version publiée du texte en français, nous avons réalisé que ces restrictions formelles et stylistiques n’ont pas toujours été suivies[14]. Toutefois, en consultant une première version de la traduction, nous avons identifié un certain nombre de différences par rapport au livre publié. Dans le seul premier chapitre, nous avons relevé plus d’une centaine de modifications effectuées lors de la révision réalisée par Paula Anacaona, la directrice de la maison d’édition.
Parmi celles-ci, une dizaine visent une plus grande proximité avec la version portugaise du texte. Ce sont des corrections de défaillances, comme des temps verbaux qui devraient être à l’imparfait et sont au présent, ou la présence de particules comme le « ne », impropre si l’on considère l’oralité du discours Kéro. Ces changements sont justifiés par une tentative de se rapprocher des structures et des expressions de l’original, ou d’ajouter des éléments indûment manquants dans la traduction.
Il y a aussi une trentaine de modifications dont il est difficile de déterminer la pertinence, les choix du traducteur et de sa réviseuse étant également envisageables. Voici la phrase en portugais « Foi pras picas. Mas devagar. Bem devagar. » (Marcos, 1976 : 8), dont le choix initial du traducteur a été « Elle a clamsé. Mais doucement. Tout doucement. » (Marcos, 2015b : s. p.) et la version finale, tout aussi appropriée, est « Ça l’a achevée. Lentement. Très lentement. » (Marcos, 2015a : 10). Parmi ce type de révisions, certaines consistent en des ajouts ou des modifications dans la mise en page, absentes du texte en portugais, mais ne constituant pas de modifications primordiales du sens. Par exemple, des sauts de paragraphes et des suppressions, ou des ajouts de ponctuation et des connecteurs discrets (tels que « et » ou « mais »).
Il nous reste ainsi, seulement dans le premier chapitre, plus d’une centaine de remaniements en désaccord avec le roman de Plínio Marcos et les choix du traducteur français. La plupart d’entre eux, environ soixante, ont trait à la recherche de la réviseuse de lexèmes plus doux en français, moins violents ou moins vulgaires. Il y a d’autres modifications importantes telles que l’élimination de termes (la plupart vulgaires) et la déconsidération de la poétique discursive du personnage de Kéro.
Nous notons aussi que la plupart des modifications de la réviseuse répondent à la nécessité d’atténuer la violence lexicale, et par conséquent les innovations linguistiques du texte que le traducteur avait essayé de préserver au moyen de solutions souvent inventives. Dans ce cas, il est évident que la première version de la traduction aspirait à la création d’un texte en français écrit comme si Plínio Marcos écrivait dans cette langue. Une telle tentative est pourtant essentielle en vue de reconstruire dans une langue étrangère le funeste script de Kéro, qui n’existe que par son discours. D’une part, il a besoin de parler, parce que ses mots sont étouffés sous ses nombreux traumatismes (abandon maternel, suicide de sa mère, enfance dans un bordel, abus sur sa personne, pauvreté, etc.). D’autre part, pour raconter son histoire, le personnage ne peut partir que de son univers discursif, composé de vocabulaire ras, de blasphèmes et d’expressions idiomatiques.
Conclusion
En nous limitant aux champs des lectures documentaires, sociologiques ou anthropologiques, en identifiant exclusivement dans la littérature marginale autoproclamée la transcription d’une réalité, d’un territoire, une contribution de classe ou un exploit digne d’étude, nous pouvons faire de l’interprétation des œuvres ce que les classes les plus riches perpétuent avec les habitants de la périphérie : les isoler dans des ghettos et castrer leurs discours. Le risque est alors de perpétuer dans ces études une logique de ségrégation déjà vécue au quotidien par les habitants des périphéries brésiliennes.
Analyser la construction discursive des récits des auteur.e.s venu.e.s de la périphérie, comme nous l’avons fait avec Manuel pratique de la haine et Manhã quero ser vento, et les comparer, nous a permis de contourner cet écueil. Ainsi, comprendre que ces romans envisagent deux sortes de lecteur.rice.s nous semble constituer un élément important pour penser la littérature marginale : un.e lecteur.rice qui partage un capital symbolique avec le narrateur, familier d’une riche culture urbaine orale ; un.e autre lecteur.rice cultivé.e, habitué.e à fréquenter le milieu académique.
En revanche, les maisons d’édition, elles, cherchent, pour des questions commerciales et de ligne éditoriale, à publier ce qu’elles considèrent comme de la littérature marginale, en rangeant cette production dans un cadre très circonscrit, acceptant seulement des textes pleins de violence et de misère. Si un livre a été écrit par un.e auteur.e de la périphérie, le marché éditorial ne l’accepte que pétri de personnages brutaux ou indigents – selon ses critères. En outre, dans le cas de la traduction du roman de Plínio Marcos, ici commentée, on voit qu’un texte reconnu comme « marginal » n’est pas vraiment recréé en français. La traduction a cherché des solutions variées et sédimentées dans la langue française, semblant prendre en compte la réflexion d’Adrienne Rich (2002), selon laquelle chaque traduction est aussi une pratique de la décentralisation et du recentrage, puisque c’est un espace pour connaître le(s) autre(s) et pour se (re)reconnaître à partir de cette compréhension. Pourtant le chemin de la révision a été de simplifier et de normaliser les choix de traduction. Le grand danger d’une telle entreprise est de créer des procédures qui domestiquent la langue et par conséquent le subalterne lui-même, ce qui corrobore la conclusion tragique de Spivak, selon laquelle il n’aura jamais le plein droit à la parole.
Notes de fin
[1] Selon Dalcastagnè, « il est possible d’observer la vaste prédominance d’hommes blancs dans les positions de protagoniste et de narrateur tandis que les femmes noires apparaissent à peine [...] » (2008 : 91). L’extrait fait référence à sa recherche sur les romans brésiliens publiés par les trois plus importantes maisons d’édition brésiliennes entre 1990 et 2004, mais il peut aussi être utilisé pour définir la production entre 2005 et 2014, d’accord la continuation de cette recherche (voir l’entretien de 2020 « Radiografia da literatura brasileira » [URL : http://www.bpp.pr.gov.br/Candido/Pagina/Entrevista-Regina-Dalcastagne. Consulté le 2 février 2020]).
[2] Selon Mallarmé en « Crise de vers », « L’œuvre pure implique la disparition élocutoire du poète, qui cède l’initiative aux mots » (voir Œuvre complètes. Paris : Gallimard, 1945, p. 366). Il faut la disparition élocutoire du sujet, du créateur, pour atteindre l’ascension du langage ; chez Ferréz, il s’agirait plutôt de l’ascension du territoire.
[3] À ce sujet, voir le manifeste de la littérature marginale « Terrorismo Literário » (Ferréz, 2005b).
[4] Voir notamment l’étude de l’anthropologue Érica Peçanha do Nascimento déjà citée « Literatura marginal »: os escritores da periferia entram em cena (2006), mais aussi les travaux de critiques littéraires renommés comme Flora Süssekind, laquelle en 2005 parle d’une « reterritorialisation ethnographique » et d’une « fiction néodocumentaliste » (« Desterritorialização e forma literária. Literatura brasileira contemporânea e experiência urbana ». Literatura e Sociedade, vol. 10, n° 8 : 60-81. São Paulo : Université de São Paulo. [URL : https://doi.org/10.11606/issn.2237-1184.v0i8p60-81. Consulté le 2 février 2020]), et comme João Cezar de Castro Rocha, lequel en 2005 parle d’une « dialectique de la marginalité » et de « projet collectif » (« The dialectic of marginality : preliminary notes on Brazilian contemporary culture ». Oxford : Centre for Brazilian Studies, Working Paper 62 : 1-39. [URL : https://www.lac.ox.ac.uk/sites/default/files/lac/documents/media/joao20cezar20castro20rocha2062.pdf . Consulté le 2 février 2020]). Le sociologue Mário Augusto Medeiros da Silva (2011), déjà mentionné, parle d’une « littérature de l’insolite ». Dans tous les cas, on cherche une spécificité de cette littérature dont le grand nom serait Ferréz et dont les protagonistes sont le collectif et le territoire.
[5] Comme Ferréz et Sacolinha, ce dernier étant le pseudonyme d’Ademiro Alves.
[6] Une analyse plus approfondie de la notion de « littérature marginale » et surtout des particularités du roman de Ferréz, Manuel pratique de la haine, est présente dans mon article de 2017 « Reflexões quanto à literatura marginal brasileira : comparando Ferréz a sua tradição literária » (Estudos Literatura Brasileira Contempônea, n° 50 : 254-276. [URL : https://doi.org/10.1590/2316-40185017. Consulté le 2 février 2020]), dont plusieurs points sont ici présentés de manière abrégée.
[7] Voir note 4.
[8] « O mimeógrafo foi útil, mas a guerra é maior agora, os grandes meios de comunicação estão aí, com mais de 50% de anunciantes por edição, bancando a ilusão que você terá que ter em sua mente. ». Toutes les traduction des citations sont de l’auteur, ainsi que toutes les marcations dans les citations.
[9] Voir à ce sujet le travail de 2007 de Luciana Mendes Velloso Capão Pecado: sem inspiração para cartão postal (Mémoire de Master en Lettres sous la direction de Sabrina Sedlmayer Pinto. Belo Horizonte : Universidade Federal de Minas Gerais).
[10] Rappelons que le travail de Paulo Lins en question a commencé à être accompagné de l’adjectif « marginal » surtout après des numéros sur le sujet dans le magazine Caros Amigos, même si cet auteur vient d’un autre contexte périphérique (favela de Rio de Janeiro), a une autre trajectoire dans le système littéraire (parcours universitaire), une autre proposition esthétique (mélange entre la brutalité des relations dans la favela et le lyrisme du regard du narrateur) et une autre relation avec sa communauté d’origine (sans les mêmes ambitions de diffusion de la littérature dans la périphérie comme chez Ferréz).
[11] Mia Couto est une des figures de proue de la littérature du Mozambique. Ses œuvres contiennentt une langue romanesque subtile, novatrice et amusante, qui joue avec les jeux de mots, les néologismes, les détournements de syntaxe et les faux et vrais dictons.
[12] « Um dia, o tal Quinzinho, menino que era criado pelo pai, e o Zégalinha tavam lá com essa de querer voar, de encher a boca de nuvem. E no final da rua surgiu um amontoado de gente. Espera aí, aconteceu alguma coisa, espera aí, espera aí que vou ver… Havia um monte gente em volta, saindo da rua de baixo, subindo no telhado, enchendo a pracinha, tudo pra ver o sucedido. E quem perguntava logo era convidado a olhar… Olha lá o menino lá… Olha lá… […] Nas varandas ficaram as roupas estendidas chorando e sorrindo a partida do miúdo.. ».
[13] João Guimarães Rosa (1908-1967) est une des plus importantes et des plus singulières figures de la littérature brésilienne. Selon la professeure et traductrice Inês Oseki-Dépré dans le préface de sa traduction de l’œuvre de 1982 Premières histoires, Rosa « réinvente une langue autant qu’il invente un nouveau langage constituée d’une multitude de langues, de styles et de paroles. » (Premières histoires – nouvelles. Paris : Métailié : XII).
[14] Un article dédié à ce sujet doit être publié en 2021.
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Pour citer cet article
Vinícius Carneiro, « La « littérature marginale » au Brésil : définir, lire, traduire ». RITA [en ligne], n°14 : septembre 2021, mis en ligne le 23 septembre 2021. Disponible en ligne: http://www.revue-rita.com/articles/la-litterature-marginale-au-bresil-definir-lire-traduire-vinicius-carneiro.html